(Un court article exhumé des ténèbres de mes brouillons inachevés)
Perdu entre ses propres ambitions (Sweeney Todd et ses hurlements incessants) et des projets casses-gueules incontrôlés, Tim Burton fait la gueule depuis 2003 et un Big Fish le rachetant à peine de l'ignominie précédant et ouvrant son chemin de croix.
De fait, on a totalement perdu l'auteur aux méandres des années 2000 : Si on peut reconnaître un courage qui sied peu à l'ado traumatisé qu'il a été, les films réalisés ont peu à voir avec la personnalité troublée de l'auteur. Entre La Planète des Singes (remake de studio), l'adaptation d'un conte classique (Charlie et la Chocolaterie) et la comédie musicale, si le champ d'action est plus qu'étendu, le résultat est toujours plus consternant quand on a grandi avec le gothique romantique d'Edward aux mains d'argent.
Et alors que le Muséum des Arts Modernes à New-York présentait en début d'année une exposition rétrospective sur l'auteur, on peut légitimement se demander si on peut parler de Tim Burton au passé.
En réalité, le bougre tient toujours debout et, si, en terre hollywoodienne, il en faut bien moins pour passer à la trappe, Burton est toujours là grâce à son fandom plus vivace que jamais et même renouvelé : grâce la cure de jouvence Charlie et la Chocolaterie aidant, tous les kids ont pris le train en marche en vantant un nouveau héros. S'attaquant à un autre classique de la littérature anglaise, Burton reprend ses tics et ses tares pour classiquement nous conter l'histoire d'une gamine plus alerte que la moyenne, sombrant soudainement en plein conte de fée.
Si par ses choix singuliers, Tim Burton est en évolution permanente et embrasse ici finalement le 100% numérique (aux antipodes de son cinéma d'origine, donc), on pourrait lui adjoindre les services de personnes de bon goût susceptibles de mieux le guider. Car l'homme qui célébrait les séries Z du passé (Ed Wood) et rendait un hommage ému aux films de La Hammer, autre institution britannique, avec Sleepy Hollow, venait de commettre un viol en règle de nos rétines avec un Willy Wonka brailleur et outrancier, avant de renouveler l'expérience avec Sweeney Todd et son tout numérique rajouté en post-prod.
Continuant dans l'élan amorcé, a priori, rien n'incite à la confiance avec le numérique explosant à chaque coin de plan dans Alice. Avec son fatras de couleurs et de détails semblant n'exister que pour remplir le cadre jusqu'à l'explosion, le film menace à chaque instant de s'écrouler et ne restitue surtout jamais la splendeur faite main des premiers films du petit génie de Burbank : à trop se gaver de cette technologie, Burton perd tout simplement la beauté plastique et l'émerveillement qui ont fait sa patte. En regardant en arrière, on se prend même à réaliser que le bonhomme a probablement plus de mauvais films à son actif que de bons. Des remises en question comme on aimerait en avoir moins souvent.
Avec son adaptation du roman de Roald Dahl (où il se permettait de piocher dans Charlie et le Grand Ascenseur de Verre, roman-suite), Tim Burton paraît paré pour s'attaquer au monument de Lewis Carroll, popularisé par le film d'animation des studios Disney (1951 !). Et tout naturellement, le monsieur plonge aussi la main dans le roman succédant à Alice, De l'autre côté du miroir, pour y trouver un regain d'entertainment : car la beauté première de voir enfin Alice en film live se voit rapidement effacée par la succession de péripéties que l'on connaît déjà.
Et là où le plaisir de voir un film traditionnel se dépêtrer de toutes ses situations aurait été un plaisir quasi jouissif, on peut rapidement se lasser des cascades numériques cachant parfois la misère. Entre les péripéties désormais habituelles s'ajoutent ses chutes et autres rajouts destinés à dépoussiérer le mythe, n'ajoutant rien de séduisant, rien d'attrayant. A trop se complaire dans la luxure d'un budget gigantesque, le Alice version 2010 perd immédiatement tout cœur à l'ouvrage.
Mais là où le projet se rattrape, c'est certainement dans son casting ; si on peut passer rapidement sur Johnny Depp, grimé à l'excès et assurant poussivement le show, la révélation du film, c'est Mia Wasikowska, une débutante parfaite. Lumineuse, la Alice de Burton a ce mélange de logique et de bon-sens, cette naïveté charmante qui nous fait plonger tête la première dans le terrier. Le film repose entièrement sur elle et sur son personnage, tiraillé par ses classiques obligations de jeune fille, et ce que lui dicte la situation parfaitement farfelue dans laquelle elle se trouve piégée.
Au final, le film ne se tient que par elle et repose sur son charmant entêtement à aller plus loin que les apparences. En fond de toile se dresse petit à petit un semblant de schéma narratif classique mais véritablement prenant, où notre héroïne devra faire face à ses démons et prendre les responsabilités adéquates. La brutale réalité, c'est que quoi que fasse Burton, on finit par se contrefoutre complètement des enjeux en cours pour ne se concentrer que sur Alice, personnage empli d'une humanité bouleversante qui irradie l'écran.
Allant jusqu'à singer son cinéma et peu soucieux de se renouveler niveau casting, Burton embauche comme d'habitude sa femme en reine de cœur (gonfler la tête d'Helena Bonham Carter, un pari casse-gueule) et lui octroie un rôle de méchante parfaitement dans la norme de ce qu'on peut attendre : abjecte, ni plus ni moins. Anne Hathaway, elle, se distancie de son petit rôle par une pirouette en running gag parfait, et fait passer son rôle de pastiche de reine blanche tout en candeur désinvolte...
Chargé de personnages réanimés par la 3D moderne, le film déroule ses enjeux avec les gros sabots habituels mais touche parfois au singulier réussi grâce au récit classique de Lewis Carroll, réarrangé en toile de fond avec cette interrogation réajustant les points de vue : Et si Alice était déjà venue par le passé, mais qu'elle avait oubliée sa visite ?
Qu'importe vraiment, au final, les tenants et aboutissants de la chose. Par son remue-ménage incessant, Tim Burton, pas vraiment cinéaste convaincant, touche au merveilleux qu'il essaie de ressusciter depuis de nombreux films. Complètement dépassé par la 3D dont il se sert uniquement comme d'une démo technique pour se faire plaisir et jeter des objets au visage de ses spectateurs, le film perd en profondeur par son besoin incessant d'en mettre plein la vue (la majorité des personnages sont malheureusement tout simplement moches) mais parvient in extremis à mettre en boîte de splendides scènes malgré le tout-venant trop cliquant (la scène finale, Narnia-esque en diable pourtant sauvée). C'est paradoxalement dans sa contre-productivité que surgissent quelques détails, quelques jolies choses à sauver.
On ressort de la séance lessivé, fatigué d'en avoir pris tant sans avoir véritablement profité du voyage. Et surtout, convaincu d'avoir assisté à un carnaval de mauvais goût, mais avec l'étrange sensation d'avoir passé un bon moment.
Perdu entre ses propres ambitions (Sweeney Todd et ses hurlements incessants) et des projets casses-gueules incontrôlés, Tim Burton fait la gueule depuis 2003 et un Big Fish le rachetant à peine de l'ignominie précédant et ouvrant son chemin de croix.
De fait, on a totalement perdu l'auteur aux méandres des années 2000 : Si on peut reconnaître un courage qui sied peu à l'ado traumatisé qu'il a été, les films réalisés ont peu à voir avec la personnalité troublée de l'auteur. Entre La Planète des Singes (remake de studio), l'adaptation d'un conte classique (Charlie et la Chocolaterie) et la comédie musicale, si le champ d'action est plus qu'étendu, le résultat est toujours plus consternant quand on a grandi avec le gothique romantique d'Edward aux mains d'argent.
Et alors que le Muséum des Arts Modernes à New-York présentait en début d'année une exposition rétrospective sur l'auteur, on peut légitimement se demander si on peut parler de Tim Burton au passé.
En réalité, le bougre tient toujours debout et, si, en terre hollywoodienne, il en faut bien moins pour passer à la trappe, Burton est toujours là grâce à son fandom plus vivace que jamais et même renouvelé : grâce la cure de jouvence Charlie et la Chocolaterie aidant, tous les kids ont pris le train en marche en vantant un nouveau héros. S'attaquant à un autre classique de la littérature anglaise, Burton reprend ses tics et ses tares pour classiquement nous conter l'histoire d'une gamine plus alerte que la moyenne, sombrant soudainement en plein conte de fée.
Si par ses choix singuliers, Tim Burton est en évolution permanente et embrasse ici finalement le 100% numérique (aux antipodes de son cinéma d'origine, donc), on pourrait lui adjoindre les services de personnes de bon goût susceptibles de mieux le guider. Car l'homme qui célébrait les séries Z du passé (Ed Wood) et rendait un hommage ému aux films de La Hammer, autre institution britannique, avec Sleepy Hollow, venait de commettre un viol en règle de nos rétines avec un Willy Wonka brailleur et outrancier, avant de renouveler l'expérience avec Sweeney Todd et son tout numérique rajouté en post-prod.
Continuant dans l'élan amorcé, a priori, rien n'incite à la confiance avec le numérique explosant à chaque coin de plan dans Alice. Avec son fatras de couleurs et de détails semblant n'exister que pour remplir le cadre jusqu'à l'explosion, le film menace à chaque instant de s'écrouler et ne restitue surtout jamais la splendeur faite main des premiers films du petit génie de Burbank : à trop se gaver de cette technologie, Burton perd tout simplement la beauté plastique et l'émerveillement qui ont fait sa patte. En regardant en arrière, on se prend même à réaliser que le bonhomme a probablement plus de mauvais films à son actif que de bons. Des remises en question comme on aimerait en avoir moins souvent.
Un clair-obscur de connivence, pour te mettre faussement en confiance |
Avec son adaptation du roman de Roald Dahl (où il se permettait de piocher dans Charlie et le Grand Ascenseur de Verre, roman-suite), Tim Burton paraît paré pour s'attaquer au monument de Lewis Carroll, popularisé par le film d'animation des studios Disney (1951 !). Et tout naturellement, le monsieur plonge aussi la main dans le roman succédant à Alice, De l'autre côté du miroir, pour y trouver un regain d'entertainment : car la beauté première de voir enfin Alice en film live se voit rapidement effacée par la succession de péripéties que l'on connaît déjà.
Et là où le plaisir de voir un film traditionnel se dépêtrer de toutes ses situations aurait été un plaisir quasi jouissif, on peut rapidement se lasser des cascades numériques cachant parfois la misère. Entre les péripéties désormais habituelles s'ajoutent ses chutes et autres rajouts destinés à dépoussiérer le mythe, n'ajoutant rien de séduisant, rien d'attrayant. A trop se complaire dans la luxure d'un budget gigantesque, le Alice version 2010 perd immédiatement tout cœur à l'ouvrage.
Mais là où le projet se rattrape, c'est certainement dans son casting ; si on peut passer rapidement sur Johnny Depp, grimé à l'excès et assurant poussivement le show, la révélation du film, c'est Mia Wasikowska, une débutante parfaite. Lumineuse, la Alice de Burton a ce mélange de logique et de bon-sens, cette naïveté charmante qui nous fait plonger tête la première dans le terrier. Le film repose entièrement sur elle et sur son personnage, tiraillé par ses classiques obligations de jeune fille, et ce que lui dicte la situation parfaitement farfelue dans laquelle elle se trouve piégée.
Au final, le film ne se tient que par elle et repose sur son charmant entêtement à aller plus loin que les apparences. En fond de toile se dresse petit à petit un semblant de schéma narratif classique mais véritablement prenant, où notre héroïne devra faire face à ses démons et prendre les responsabilités adéquates. La brutale réalité, c'est que quoi que fasse Burton, on finit par se contrefoutre complètement des enjeux en cours pour ne se concentrer que sur Alice, personnage empli d'une humanité bouleversante qui irradie l'écran.
Une séquence finale improbable... qui marche par son originalité |
Allant jusqu'à singer son cinéma et peu soucieux de se renouveler niveau casting, Burton embauche comme d'habitude sa femme en reine de cœur (gonfler la tête d'Helena Bonham Carter, un pari casse-gueule) et lui octroie un rôle de méchante parfaitement dans la norme de ce qu'on peut attendre : abjecte, ni plus ni moins. Anne Hathaway, elle, se distancie de son petit rôle par une pirouette en running gag parfait, et fait passer son rôle de pastiche de reine blanche tout en candeur désinvolte...
Chargé de personnages réanimés par la 3D moderne, le film déroule ses enjeux avec les gros sabots habituels mais touche parfois au singulier réussi grâce au récit classique de Lewis Carroll, réarrangé en toile de fond avec cette interrogation réajustant les points de vue : Et si Alice était déjà venue par le passé, mais qu'elle avait oubliée sa visite ?
Qu'importe vraiment, au final, les tenants et aboutissants de la chose. Par son remue-ménage incessant, Tim Burton, pas vraiment cinéaste convaincant, touche au merveilleux qu'il essaie de ressusciter depuis de nombreux films. Complètement dépassé par la 3D dont il se sert uniquement comme d'une démo technique pour se faire plaisir et jeter des objets au visage de ses spectateurs, le film perd en profondeur par son besoin incessant d'en mettre plein la vue (la majorité des personnages sont malheureusement tout simplement moches) mais parvient in extremis à mettre en boîte de splendides scènes malgré le tout-venant trop cliquant (la scène finale, Narnia-esque en diable pourtant sauvée). C'est paradoxalement dans sa contre-productivité que surgissent quelques détails, quelques jolies choses à sauver.
On ressort de la séance lessivé, fatigué d'en avoir pris tant sans avoir véritablement profité du voyage. Et surtout, convaincu d'avoir assisté à un carnaval de mauvais goût, mais avec l'étrange sensation d'avoir passé un bon moment.
- Plus de pistes : Tim Burton en 2012 (Dark Shadows)
1 commentaires:
Ouff Pétard, j'avais eu peur que t'aimes :p
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