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mercredi 14 mars 2012

S'affranchir des tourments: Blue Valentine, Like Crazy, Crazy Stupid Love

Cette semaine, trois films et demi sur les sentiments, le débat amoureux, la recherche enivrée. Tout ce à quoi tu aspires, quand ton cynisme flanche au détour d'une rue, ou lors d'une nuit de solitude dans la ville désertée.
Soit dans l'ordre Blue Valentine de Derek Cianfrance, Like Crazy de Drake Doremus et enfin, Crazy, Stupid, Love de Glenn Ficarra et John Requa



Blue Valentine (2010) de Derek Cianfrance

Si on a frôlé de peu la rétrospective Ryan Gosling, on s'y plonge quand même d'une certaine façon, le hasard des sorties faisant qu'avec Drive en apothéose filmique de l'année passée, on se penche avec curiosité sur d'autres films où joue l'acteur.
C'est le cas de ce Blue Valentine où continue de s'imposer M. Gosling en prototype d'une certaine masculinité féline et renfermée. Dans ce film, la grande qualité est d'y voir figurer une actrice exceptionnelle capable de lui répondre correctement, en la personne de Michelle Williams : révélée dans la série pour ados Dawson dont elle finit par s'ériger comme seule actrice viable (cf. le très beau Land of Plenty de Wim Wenders), on pensait l'avoir définitivement perdue après le suicide de son compagnon Heath Ledger qu'elle avait rencontré sur le tournage de Brokeback Mountain. Le crève-cœur Shutter Island lui a donné l'occasion de réapparaître avec malaise, et Meek's Cutoff sorti en parallèle de Blue Valentine, lui a permis de revenir dans nos vies.

Cette histoire d'amour absolue et sa dissolution progressive, racontées par l'entremise de morceaux passés et présents, racontent comme on peut s'attacher à une coïncidence, la retenir et en faire une jolie rencontre, une cour admirable, en espérant que ces instants durent toujours.

Tout au long du film, le film met en parallèle l'avant et l'après, théorisant ainsi sur la déconstruction méticuleuse de la relation en un va-et-vient permettant la surprise : habituellement confortable dans sa position de voyeur, le spectateur est malmené dans ses attentes et son ressenti grâce à la narration éclatée et ses multiples renvois. La perception biaisée qu'on a parfois des évènements trouble vite l'affect qu'on peut avoir pour les personnages, malmenés par le temps.
Le montage alterné des époques permet quelques subtilités ; un regard face caméra, une ellipse temporelle, un retour là où le regard aboutit. En état de grâce, la jolie Michelle Williams, asphyxiée par le cadre familial, donne la réplique à un Ryan Gosling rêveur, charmeur et plein d'envies. Une construction tragique émerge rapidement, mais le choix de ne rien nous épargner dessert de temps à autre la démarche, jusqu'ici plutôt originale : le présent est indéniablement moins léger et lumineux que les scènes dans le passé, mais c'est précisément cet effet de comparaison qui donne toute sa force aux séquences de bonheur perdu.

Le film finit par prendre parti, douloureusement, malgré l'intention insidieuse de vouloir nous rassurer par une belle histoire d'amour. La progression parallèle des deux niveaux permet finalement de réévaluer les moments de grâce ou de pure beauté de l'histoire de Cindy et Dean, quand la trivialité du quotidien a finit de les user : comme cette étreinte finale, rejouées dans deux époques, pourtant loin de signifier la même chose.
D'un bout à l'autre, Blue Valentine est parsemé de beaux moments d'intimité particulièrement émouvants où Ryan Gosling et Michelle Williams sont en parfaite alchimie. Une belle surprise, étonnamment sombre.



Like Crazy (2011) de Drake Doremus

L'amour longue distance, vaste sujet de réflexion dont l'un des derniers représentants, Going the distance, s'est avéré plutôt convaincant par son air détendu. Un conseil cependant: ne vous y embarquez pas. Ce n'est pourtant pas ce que font Anton Yelchin et Felicity Jones dans ce joli film marchant sur les traces de Lone Sherfig et de son délicat regard sur les relations amoureuses (An Education, dans le top 2010, et One Day, adapté du livre de David Nicholls). Ici, Anna est une étudiante anglaise en séjour à Los Angeles pour une année d'étude. Elle y rencontre Jacob et tombe amoureuse, mais l'administration a ses raisons que le cœur ignore et là voilà rapatriée de force, interdite de séjour et séparée de celui qu'elle aime.

De ce postulat de base bien connu, le réalisateur et le rythme lent imposé jouent doucement avec nos nerfs, à mesure que l'alchimie prend entre les deux acteurs. L'originalité se dose patiemment, avec un sens parfois redondant de l'ellipse facile ; si le réalisateur a la délicatesse de nous éviter certains passages obligés douloureux (et dont il aurait peut-être eu du mal à traiter l'issue), certains autres moments qu'il passe sous silence auraient rendus ces personnages plus humains, et définitivement plus tangibles. L'histoire prend un peu d'ampleur quand apparaît Jennifer Lawrence, révélation de 2011 grâce au splendide Winter's Bone, et s'apprêtant à littéralement mettre à sac le box-office américain avec le premier volet de l'adaptation ciné de la trilogie de romans Hunger Games, le 23 mars prochain.

Le jeune Anton Yelchin se montre de plus en plus convaincant ; de Star Trek (où il jouait l'officier russe Chekov) à Fright Night dont on parlait ici, l'acteur offre un jeu en retenue, intéressant et différent de la partition d'amoureux exténué qu'on pouvait craindre. Voguant entre un loft de Los Angeles et des rue londoniennes, ce sont quelques regards, beaucoup de silences et de beaux plans énamourés qui toucheront même les plus cyniques des spectateurs. Si le tout est plutôt inoffensif (les personnages sont en continu à l'abri du besoin, drapés dans une sorte de cocon bourgeois), le film retranscrit avec pudeur l'état d'impuissance terrible que l'on peut ressentir dans une telle situation (l'envie, le besoin, l'amour, le manque, comme nous le rappelle sa jolie tagline).

Aucune date de sortie en France encore déterminée, mais le film ayant cartonné à Sundance en 2011 (Prix spécial et Grand Prix du Jury), il devrait se retrouver aiguillé dans nos cinémas dans le courant de l'année.



Crazy, Stupid, Love (2011) de Glenn Ficarra et John Requa

La déroute totale. On croit s'embarquer dans une comédie maligne au casting efficace, en réalité, ce film n'est rien de moins qu'une espèce de Love Actually américain, avec son effet chorale, ses gamins insupportables, son trait forcé et son humour redoutablement naze. Pour ceux qui ont réussi à se tenir éloigné un tant soit peu de ce genre de productions, le retour à la réalité est très dur, et ce dès les premières minutes où la comédie de mœurs débarque avec ses gros sabots pour éroder l'image de couple.
Ryan Gosling est détestable, ce qui est une première, alors que Steve Carell, qu'il chapeaute, trouve un contrepoint aux rôles d'ahuris qu'il joue habituellement. Kevin Bacon et Marisa Tomei sont scandaleusement laissés pour compte, utilisés soit à la limite du caméo, soit en tant que fou furieux venu divertir la galerie le temps de quelques scènes. Un grand sentiment de vide étreint le film tout entier, qui au final n'a pas grand chose à offrir d'original, avec ses discours pleins de bons sentiments qui tombent à plat et ses crises mal gérées.
Pour finir, gâcher ainsi Emma Stone est un affront dont on se serait bien passé.


Piste de lecture:
Faute de l'avoir chroniqué proprement après son visionnage, on se contentera de souligner que Restless de Gus Van Sant, c'est plutôt très bien. Si le film rappelle par moments Harold et Maude, la romance morbide entre Mia Wasikowska et Henry Hopper marche du tonnerre. Gus Van Sant filme un amour poétique où deux jeunes démunis trompent la mort pour la rendre moins dramatique.

Avant de se quitter, un petit cadeau pour décrocher de tous ces instants dégoulinants: Jake Gyllenhaal la joue American Psycho dans le dernier clip de The Shoes, où il déglingue violemment du hipster.



A bientôt, et avec le sourire.



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