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lundi 11 janvier 2010

Sacré Shyamalan: La Jeune Fille de l'Eau

Le pire est commis. Fidèle de Shyamalan depuis l'incroyable Incassable, je défends encore bec et ongles The Village pour ses qualités intrinsèques, dont son audacité et son sens du montage (critique fleuve de l'époque ici).

Revenu en 2006 avec Lady in the Water, Shyamalan s'y expose comme jamais, au risque de perdre toute crédibilité et tendant le bâton pour se faire battre dans cette histoire où une créature nommée Story (Bryce Dallas Howard, échappée du Village) met la main sur un gardien d'immeuble, lui priant de l'aider à rejoindre son monde. Au microcosme de l'immeuble s'adjoint un casting de voisins franchement loupé : des minorités éberluées, un gamin qui lit l'avenir dans les boîtes de céréales, le ridicule Freddy Rodriguez, et enfin, Paul Giamatti, notre héros, un peu trop sérieux dans son rôle de gardien bégayant. On croirait revoir le casting dégoutant de The Mist, la réussite en moins au final.


Rapidement, Cleveland prend Story sous son aile, et lui raconte son histoire : messagère du peuple de l'eau, elle doit retourner chez elle, par l'intermédiaire de la piscine de l'immeuble (si tu ris déjà, c'est foutu). Menacée par une créature dissidente, soumise aux lois de son peuple, Story a encore du chemin à faire...

En soi, la volonté de Shyamalan est louable. Il tâche de créer son propre conte de fées et de le crédibiliser via des personnages plus particulièrement touchés par son folklore, car ayant été éduqué avec (ici, une famille asiatique). Peu à peu, le personnage de Cleveland (Paul Giamatti), voyant se matérialiser en face de lui les enjeux d'un conte de fées, tâche de trouver dans les gens qui l'entourent ceux qui pourront remplir un rôle actif et ainsi aider Story. Comme souvent chez Shyamalan, on retrouve l'un des schémas classique de son cinéma : le personnage principal est hanté par une perte grave (Mel Gibson et sa femme dans Signes), objet de douleur qui tombera à point nommé au cours du récit pour compléter une quête et sa résolution. Mêlant sa propre influence et l'histoire qu'il essaie de mettre en place, Shyamalan perd visiblement le nord.

Le problème principal du film, c'est qu'avec son horrible casting handicapé par des idées stupides sans fondements, impossible de s'attacher à suivre correctement la chose, mal mise en scène, lourde de symboles grossiers et sujette au ridicule à chaque séquence.
Ce n'est pas faute de savoir que Shyamalan et cynisme vont mal ensemble, mais Lady in the Water, conte branlant et lâché en roue libre, s'emballe, oublie toute notion de crédible dans son casting et file vers une résolution numérique effrayante. Cinéaste du merveilleux, Shyamalan oublie de s'adresser au spectateur dans cet essai et tout l'imaginaire possible à tendance à immédiatement tomber à plat (son plan final, une contre-plongée sous l'eau, sert autant son merveilleux qu'elle cache la misère).
Là encore, on réalise que le fragile équilibre du Village aurait pu s'écrouler à tout moment (pour certains, ce fut le cas). Dans ce cas précis, Lady in the Water est le film qui va "au-delà", qui ne s'encombre plus de détails meublant son intrigue pour la rendre plus limpide (et acceptable) : c'est un conte de fée livré brut, avec ces imperfections spectaculaires (dont une photo dégueulasse) et son arrogance toute trouvée, imposée pour exister.


*Pistes supplémentaires - Léger spoilers si vos n'avez pas vu le film*
Le plus surprenant, c'est le rôle que s'attribue Shyamalan, qui aurait mieux fait de passer plus de temps derrière son combo. Le réalisateur y joue un écrivain en mal d'inspiration, à qui le personnage énigmatique du film annonce qu'il rédigera un livre essentiel à l'instruction d'un futur grand de ce monde. La grosse tête ne s'arrête pas là, puisqu'avec ce passage non seulement Shyamalan se donne des airs importants, mais on le prévient que son livre lui vaudra de se faire assassiner. Imbu de lui-même, Shyamalan se voit comme un personnage important qu'il faudra faire taire, comme un martyre à une cause évidemment pas explicitée. Entre son désir de s'imposer à nouveau comme storyteller le plus original à Hollywood et son envie de survivre visuellement au travers de ses propres films, Shyamalan semble poser toutes les cartes qu'il a sans se soucier de comment on pourrait le percevoir.

Pourtant, on sait Shyamalan capable de second degré depuis qu'il s'est auto parodié dans un épisode d'Entourage dans lequel il court après son agent Ari Gold pour lui soumettre son nouveau pitch fantastique (extrait ici même) ; peut-être pour momentanément calmer tout le monde et montrer qu'il était encore sain d'esprit, ce dont on peut sincèrement douter à la sortie de Lady in the Water.
De même, Shyamala introduit un personnage assez étrange au cours du film : un critique de cinéma, blasé, têtu et incapable de s'émerveiller au contact du cinéma (il a déjà tout vu et tout compris). Supplice final, le personnage finira réduit en pièces sans autres formes de procès par l'une des créatures du film. Réglant ses comptes avec l'industrie l'ayant parfois vilipendé, Shyamalan fait montre d'une haine assez incroyable envers ce personnage certes pas très sympa, mais croyant anticiper la suite des opérations à force - lui aussi - d'arrogance.

Chronicart y voit un film essentiel, les conspirateurs peuvent aller y faire un tour... s'ils veulent s'en convaincre. Entre grand film incompris et grosse farce grotesque les avis sont tranchés mais l'absence "d'emballage merveilleux" fait grand tort au film. Si l'on y ajoute ses personnages bigarrés et les propres reflets du réalisateur, Lady in the Water devient une farce stupide malgré les (sans doutes) bonnes intentions de départ.

Shyamalan a récidivé avec The Happening en 2008, avec Mark Wahlberg et Zooey Deschanel, on en parle bientôt...
*quelques semaines plus tard, après avoir vu The Happening, il a été convenu qu'il était inutile d'en parler.

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