Pages

Ads 468x60px

samedi 16 janvier 2010

Rapport à l'image : Blow Up + Peeping Tom

Le double programme d'aujourd'hui: Blow-Up, de Michelangelo Antonioni (1966) / Peeping Tom (Le Voyeur), de Michael Powell (1960)

Premier film tourné en langue anglaise par l'italien Michelangelo Antonioni, Blow Up est, 50 ans plus tard, toujours précédé d'une réputation flatteuse et est depuis étudié en école de Cinéma pour ses qualités intrinsèques. Le cadre, lui, est nettement plus charmant : Dans le Londres des années 60, un photographe de mode pense avoir été témoin d'un meurtre immortalisé sur pellicule. Difficile d'en dire plus même si le film ressemble au projet de fin d'études d'un étudiant essayant d'en mettre plein la vue à qui voudra bien visionner son film. Visionné au premier degré, le film devient étonnamment abscons alors que toutes les clefs sont posées pour un résultat bien plus... nerveux. Après une première heure parfaite où l'on suit la routine d'un photographe imbu de lui-même, les éléments criminels s'enchaînent (tout doucement), laissant penser qu'on pourrait d'un moment à un autre glisser vers l'enquête de fond, où un témoin dérangeant plonge tête la première dans une conspiration géniale. Même les codes semblent s'y prêter, avec notamment cette femme en détresse bien mystérieuse, qui retrouve notre héros sans jamais laisser filtrer son identité et la pression à laquelle elle est sujette.

Perdant le spectateur là où on l'attend pas, la dernière partie du film est plus pénible malgré quelques tentatives de théoriser le rapport à l'image et notre propre rôle en tant qu'acteur/spectateur (notamment dans sa dernière séquence, assez jolie). Le héros se paye du bon temps avec des groupies (dont Jane Birkin) dans une séquence insupportable, puis se perd dans un concert, avant de finir hagard, sur la pelouse d'un parc : à trop questionner les images, il aura perdu l'opportunité de faire le cliché ultime (une quête morbide se dressant en cours de route) et son statut de voyeur, partagé avec le spectateur.
Difficile d'oublier Blow Out (1981) quand on l'a vu, remake à peine déguisé réalisé par Brian De Palma : plongeant dans l'enquête d'un preneur de son, on assiste à un vrai film de tordu auxquelles s'ajoute quelques unes des obsessions particulières du réalisateur. L'issue de l'histoire, autrement plus glauque et dantesque, nous ferait presque reprocher à Antonioni de passer à côté de son sujet, d'autant que 6 ans plus tôt et foisonnant lui aussi dans le Londres des années 60, Michael Powell réalisait Peeping Tom, authentique bijou intouchable.


En voyant les deux films coups sur coups, la différence de traitement visuelle saute aux yeux : alors que Antonioni semblait privilégier des décors naturels comme une façon très européenne d'aborder son sujet, Powell tourne la majorité de son film en studios, scarisant son film de ses couleurs criardes. Le résultat est génial, entre masures inquiétantes et studios de cinéma (mise en abime évidente) où se perd un autre héros très discret, Mark, jeune opérateur obsédé par l'idée de capturer des instants fugaces avec sa caméra.

Lequel enjeu, dans son rapport très Psycho au genre, permet à Powell de repousser les limites autorisées par le bon sens de l'époque. Le film suit en majorité l'étrange Mark, timide maladif et cumulant différents petits boulots mettant en scène ses talents portant tous autour de la capture d'image (photographie, caméra). Parfaitement conscient des dérives dans lesquelles il se lance (violence graphique pour l'époque et psychologie très sexuée), Michael Powell se lance tout entier dans l'autopsie de son inquiétant personnage et réussit un parfait portrait de déviant magnifique, lui aussi victime de son temps.

Le spectateur, lui, devient un témoin actif des agissements du personnage, ce qui déclenche à la fois une certaine empathie pour celui-ci ainsi qu'une sensation de voyeurisme partagée, à mesure que Mark avance dans son fantastique projet. Partageant avec le Psycho d'Hitchcock une certaine ambivalence ainsi qu'un trauma familial évident (+ le fait que les deux hommes collaboraient ensemble avant que Hitchcock ne parte aux Etats-Unis), Peeping Tom ne connaîtra malheureusement pas la même carrière au cinéma : Vilipendé par la critique, tué par la censure et les retraits d'exploitation, le film mettra fin à la carrière de Michael Powell.

Alors qu'en l'état, Peeping Tom reste assez splendide, on peut être attristé du fait que devant un résultat pareil, les comités de censure s'y soient donné à cœur joie pour retirer au film quelques morceaux ; les coupes réalisées (dialogues, scènes explicitées) sont aujourd'hui considérées comme perdu à jamais. Plus malin, la MGM, produisant Blow Up, avait créée une fausse commission indépendante des comités de censure de l'époque, visant à approuver le film dans son intégralité.

L'essentiel n'est pas là évidemment, les deux films fourmillent de références et de pistes à explorer en plus !

0 commentaires: