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vendredi 8 juin 2012

Moonrise Kingdom, de Wes Anderson

"What kind of bird are you ?"
Retour aux affaires et au film en prises de vues réelles pour Wes Anderson, qui s'était offert une belle récréation en 2010 avec son Fantastic Mr Fox, permettant à son cinéma de souffler un peu après l'odyssée ankylosée À bord du Darjeeling Limited. Le style familier et éprouvé du réalisateur y trouvait ses limites, dans la "démesure" du projet (l'Inde, le court-métrage Hôtel Chevalier) et la langueur exsangue qui s'en détachait. L'intermède charmant façon bois de Quat'sous qu'a constitué son incursion dans le film d'animation lui a sans doute permis de recharger ses batteries à bloc, puisque gardant cet univers champêtre, Moonrise Kingdom est éblouissant.

Présenté au 65ème Festival de Cannes, le film a ouvert la sélection officielle avec panache et beaucoup de cœur. Et pour cause, le charme désuet de l'entreprise est proprement désarmant. Situé dans les années 60 qui continuent d'inspirer tant le réalisateur, le film est un splendide roman-photo sans cesse renouvelé de petits détails, de trouvailles inventives, d'éléments familiers, comme une jeunesse retrouvée. La musique est à l'avenant, entre la partition de Alexandre Desplat et les ajouts de pièces classiques insérés dans la narration, qui ajoutent parfois à l’incongruité des situations, entre la visite d'un camp scout à la balade sauvage de deux amoureux, Sam et Suzy, à travers la forêt.
Moonrise Kingdom, Sam, Suzy, Wes Anderson, Cannes

Fidèle à ses tics de réalisation (mise en scène en deux dimensions et travellings latéraux), Wes Anderson, assisté du fidèle Roman Coppola au scénario, explore une façon décalée de filmer ces péripéties, reflet d'une réalité brisée où les enfants jouent aux adultes en espérant paradoxalement ne pas leur ressembler. Tout le long du film plane un joli sens du fantastique, qui perturbe constamment les éléments, mêlant une réalité grondante aux rêves d'enfants entre jeux et véritables batailles pour s'affirmer. Le chemin des deux fugueurs est de loin le parcours le plus intéressant du film, quand en parallèle, les adultes font face à leurs propres déceptions et se débattent pour exister (Frances McDormand, Bill Murray très en retrait, Bruce Willis et Edward Norton, tous deux excellents).

Malgré une légère baisse de rythme et d'intensité à la moitié du film, la douce épopée convoque suffisamment de personnages et de situations saugrenues pour capter toute l'attention. Entre mélodies entêtantes et jolis plans d'un passé révolu, on assiste au rite de passage d'une enfance perdue ; Moonrise Kingdom devient aussi peu à peu le reflet doux amer d'une époque faussement laxiste où l'on menace de traitements aux électrochocs les éléments perturbateurs, où le symbole de l'autorité n'est défini que par son action (Tilda Swinton, rendue anonyme). Une violence qui éclate aussi subrepticement à l'écran, lorsque le monde cruel des enfants se révèle au grand jour.

Si la pose vintage est bien entendu partout, le corps du film est enrichi par l'analyse d'un microcosme bariolé cette fois-ci ouvert au nouvelles représentations de la famille, en plus de celle de Suzy et celle, recomposée, de Sam: un foyer pour garçons en difficulté (avec un décalage amusant entre greasers et le petit enfant) et le groupe de scout mené par le 'Scout Master Ward' (Edward Norton, ridicule en short). La recherche d'un groupe auquel appartenir est ici systématique, quitte à le fonder soi-même, en autarcie.
Avec une joie pourtant indiscutable, Moonrise Kingdom plonge dans le romantisme des jeunes années, quand tout était possible. Impossible de ne pas y voir un constat mélancolique de tout ce qui a été et aurait pu être, quand bien même le film se termine de la façon la plus délicieuse et bouleversante qui soit. Au fond, Wes Anderson ne dit qu'une chose: n'attendez plus, soyez heureux maintenant.



- Pour continuer : on parlait de Fantastic Mr Fox ici (#12).
- Le tumblr idéal, mélangeant le son de Kanye West et les films de Wes Anderson : C'est Kanye Wes.
- Dans le film, la petite Suzy transporte une valise contenant quelques livres (fictifs) ; chacun d'eux a brièvement eu l'honneur d'une transposition en film d'animation, courte compilation réunie chez EW, à cette adresse.

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