Suite et fin du top 2010 avec les 10 autres films qu'on retiendra cette année. Surprise de dernière minute, j'ai eu l'occasion inattendue de combler un retard en matière de film français qui entre directement dans la liste et chamboule un peu l'ordre préétabli.
Les 5 premiers lauréats se trouvent ici.
6 - Toy Story 3 ( Lee Unkrich)
A force de truster les places chaque année avec leur production annuelle, on a failli laisser passer le Pixar nouveau, suite tardive au Toy Story 2 sorti en 1999. Avec à son bord Lee Unkrich, habitué des studios, le projet est entre de bonnes mains dès sa gestation après avoir failli passer chez Disney avec à son bord une nouvelle équipe de développeurs. Jouant avec un équilibre ténu entre la nostalgie et la nécessité d'aller de l'avant, reprenant dans les grandes largeurs des thèmes universels comme l'amitié et la nécessité de faire front commun face à l'adversité, le film part sur des registres connus avec un nouvel environnement et un univers familier. Après une mise en situation classique, le film fait soudainement très fort dans sa plongée vers le film d'évasion, vers un point de non-retour pour les protagonistes de l'histoire. Ajoutant des péripéties aux échos singuliers, on est soudain confronté à l'inconcevable, au détour d'une séquence hallucinante : baissant les bras, les héros sont soudainement résignés à leur situation.
Et voir finalement ce benêt inconscient d'Andy ému à l'idée de quitter sa bande de jouets nous renvoie à notre simple position de spectateur, avec un gros pincement au cœur.
7 - Bright Star (Jane Campion)
Le crève-cœur en costume.
Un couple parfait (Abbie Cornish et Ben Wishaw).
Un petit chat qui essaie d'attraper des papillons.
Du vent dans les rideaux.
La plus belle affiche de l'année.
On en parlait ici.
8 - An Education (Lone Scherfig)
Déjà présent dans le top de Tarantino l'année dernière, le film n'est sorti en France qu'en début d'année, autorisant une mise au point tardive. Scénarisé par Nick Hornby (spécialiste des petits tourments affectifs), le film se fait l'écho d'une certaine Angleterre, peu avant les Swinging Sixties l'ayant emportée très loin. On y trouve un Peter Sarsgaard en gendre idéal malgré les secrets l'entourant, s'entichant d'une jeune fille prête à s'affranchir, qu'on ne lâchera pas d'une semelle entre le foyer familial stérile et l'école poussiéreuse.
Dans cette chronique douce-amère, trois actrices adorées : Carey Mulligan, dont la jolie frimousse salvatrice joue à son avantage dans cette intrigue jamais ennuyeuse mais quelque peu convenue, Olivia Williams (épouse délaissée dans The Ghost Writer, PDG dominatrice dans la série Dollhouse) en prof avisée à qui on ne la fait pas et enfin la merveilleuse Rosamund Pike, malheureusement parfaite dans un rôle d'idiote écervelée.
De cette chronique d'une époque et d'une fille trompée, la réalisatrice se contente de réaliser un film d'apprentissage classique marchant à l'énergie de ses comédiens. Pas de surprises majeures à relever, malgré les personnages abordés (Alfred Molina , tâchant juste d'être un bon père), tous perdus au tournant du siècle, tous confinés à se tenir à ce qu'on attend d'eux plutôt que d'aller de l'avant...
*La femme de l'année au cinéma, c'est Carey Mulligan, présente partout : bouleversante à chaque apparition dans le très clinique Wall Street 2 de Oliver Stone, à la limite du caméo torturé dans Brothers et enfin, premier rôle dans Never Let Me Go, film du clippeur Mark Romanek qui ne nous fera les honneurs d'une sortie salle que cette année (trailer).
9 - El Secreto de sus ojos/Dans ses yeux (Juan José Campanella)
En 1974, Benjamin Esposito enquête sur le meurtre violent d'une jeune femme. 25 ans plus tard, le livre qu'il écrit, inspiré de l'affaire, le replonge dans l'affaire, l'Argentine troublée des années de plomb et son amour inavoué pour sa collègue de travail.
Se jouant sur deux tableaux temporels, Dans ses yeux tire la couverture à lui grâce à l'acteur Ricardo Darìn, portant le film de bout en bout. Avec une structure hyper rigoureuse dans sa construction, la gestion de ses flashbacks et de ses personnages, le film prend de l'assurance et une ampleur émotionnelle incroyable à mesure qu'il avance. Collant toujours au destin de ses personnages perdus dans la tourmente d'une époque, tous à jamais hanté par le visage d'une innocente dont on a volé la vie, le film se dirige innocemment vers le film de genre en fin de métrage. Une belle réussite, classique mais parfaitement exécutée.
En bonus, un plan-séquence hallucinant techniquement, digne d'un De Palma, commençant haut dans le ciel pour se terminer face contre terre.
10 - The Other Guys/Very Bad Cops en VF (Adam McKay)
Les retrouvailles savoureuses d'Adam McKay et Will Ferrell, après deux films dont un Stepbrothers de bonne mémoire ; cette fois-ci ils s'adjoignent les services de Mark Wahlberg, en état de grâce depuis quelques films (The Fighter, We Own the Night, Les Infiltrés) pour tomber à bras raccourcis sur le buddy-movie à forte tendance débilitante.
Ouvrant le bal, Samuel L. Jackson et The Rock font très fort et on peut légitimement se demander ce qu'aurait donné le film avec eux plutôt qu'avec les deux autres losers, mais force est de constater que le film reste très fort même sans eux. Alors qu'on assiste aux "exploits" de ces deux flics badass, une séquence qui aurait pu briser tout l'équilibre du film les envoie aux fraises et relance la machine comme jamais avec une passation de pouvoir à Ferrell et Wahlberg qui ne relâcheront jamais la pression.
Au-delà de la machinerie hollywodienne, le réalisateur capte quelques moments parfaits de comédie où tout respose sur les comédiens. De Mickael Keaton (qu'on ne voit pas assez) à Marlon Wayans (et sa dernière réplique à hurler de rire), en passant par Eva Mendès, très à l'aise dans cette débauche de stupidité, tout semble parfaitement concourir à la réussite de l'équipée sauvage. En définitive, The Other Guys est une énorme farce où rayonne les deux zigotos, doublée d'un état des lieux de la fraude fiscale en guise de générique (bien plus efficace que Wall Street 2)
Il est probable que le film vieillisse mal en regard de ses gags ou situations, mais The Other Guys est tellement efficace sur le coup qu'on lui accorde volontiers le bénéfice du doute. De plus, face à la concurrence (dont Get Him to the Greek et sa dernière heure, hors-sujet), The Other Guys tient parfaitement la distance, se fourvoie dans un grotesque constant, et ne cède rien aux culs-bénis.
11 - À bout portant (Fred Cavayé)
Samuel a une vie épanouie. Il sera bientôt infirmier, et sa femme Nadia attend leur premier enfant. Tout va bien jusqu'à ce que sa femme se fait kidnapper sous ses yeux et qu'on lui demande de faire évader un prisonnier blessé, sous bonne garde à l'hôpital où il travaille. À partir de là, rien ne va plus.
Sur ce postulat de départ très mince, Fred Cavayé (Pour Elle) monte un suspense simple mais très efficace où Gilles Lelouche, protagoniste désespéré, va se retrouver acteur d'une course-poursuite tendue jusqu'à récupérer sa femme, sans vraiment savoir où vont le mener ses actions. Le sentiment d'empathie pour le personnage monte crescendo à mesure que l'étau se resserre autour de lui, la situation de sa femme enceinte accentuant encore plus l'effet d'explosion sourde que provoque sa fuite éperdue dans un Paris couvert par les caméras de surveillance, la police et les problèmes en tous genres. Quelques grosses facilités faussent un peu l'ensemble mais au final la tension déployée amoindrit considérablement leur impact. Totalement assumé comme un film policier, voire de genre, sans scénario à ramifications multiples, À bout portant est une excellente initiative de cinéma, qui sera suivie de près par La Proie de Eric Valette, où Albert Dupontel fera aussi beaucoup de course à pieds.
12 - Fantastic Mr Fox (Wes Anderson)
Après quelques films, Wes Anderson a digéré la grammaire indé-hipster qu'il a aidé à créer, tant et si bien que son dernier projet en date ne pouvait s'exprimer que sous un nouveau cadre : le film d'animation en stop-motion, technique laborieuse et aujourd'hui délaissée pour le film de synthèse (son successeur officiel), dont le souverain en est Pixar. Basé sur un livre de Roald Dahl, Fantastic Mr Fox renoue avec Le Vent dans les Saules en racontant les aventures d'un renard malin aspirant à retrouver son animalité, étouffée par les impeccables costumes qu'il porte.
Marrant, qu'entre recherche d'ascendance sociale (le déménagement dans un meilleur "quartier") et besoin de reconnaissance de ses pairs (Mr Fox semble tout gérer, tout mener de front), le renard parte piller les fermiers locaux...
Au final, peu importent ces rumeurs alarmantes au moment du tournage indiquant que le réalisateur n'était jamais présent sur le plateau, préférant diriger ces animateurs depuis chez lui, par l'entremise de Skype... On se doute bien que la magie du film découle du savoir-faire des techniciens en charge du film, Anderson n'y apporte finalement que son prestige et un sacré casting vocal parmi lesquels George Clooney, Meryl Streep, Jason Schwatrzmann (présent depuis Rushmore et volant de ses propres ailes dans l'excellente série Bored to Death), Bill Murray et même Jarvis Cocker le temps d'une chanson (la séquence n'a d'ailleurs pas d'autre ambition que de signaler la présence du chanteur de Pulp au générique...)
Le film pose tout le temps mais le nouveau carcan et terrain de jeu déniché par le réalisateur (moitié film de marionnette et d'animation) est le lieu d'expression idéal au décalage typique du cinéma de Wes Anderson. Le bagout de George Clooney, venu frimer de sa voix suave, y est aussi pour beaucoup.
La théâtralité toute particulière développée dans les films précédents du bonhomme sied ici parfaitement au film en stop-motion. Les fameux plan de face ou de côté du réalisateur sont d'une logique imparable dès que s'animent le petit bestiaire à l'écran. On sent d'ailleurs les studios Aardman (les Wallace et Gromit) un peu anxieux à l'idée d'avoir à rivaliser avec un aussi joli film, si d'aventure le courageux studio s'essayait de nouveau à l'aventure.
Derrière la pose et le jeu constant, Fantastic Mr Fox est d'une beauté éblouissante, dont l'aspect fait-main y est pour beaucoup. Les yeux rivés sur l'écran, on est fasciné par ce qu'il s'y passe et par le soin apporté aux détails les plus minimes (poils, fumée, eau, tout y passe). Toutefois le film semble ne plus vraiment savoir comment s'achever, et le scénario réserve provoque des soubresauts d'aventures pour faire durer le plaisir...
13 - Piranha 3D (Alexandre Aja)
Le film de l'été, régressif et hilarant. Produit par Dimension Films et réalisé par le français Alexandre Aja déjà responsable du remake de La Colline a des Yeux, Piranha 3D n'inspirait pas grand chose à cause de son relent Z et opportuniste. Avec son postulat de départ aussi débile qu'attachant (des piranhas préhistoriques s'éveillent et mettent une petite ville portuaire à sang durant le Spring Break), Aja remake le Piranha de James Cameron et s'en donne à cœur joie. L'affiche ne trompe pas : tout est dans l'hommage et la bonne humeur, avec Elizabeth Shue, rescapée du Hollow Man de Verhoeven, le has-been Jerry O'Connell détestable au possible, et aussi Christopher Lloyd en mode Retour vers le Futur et même Richard Dreyfuss en ouverture.
Piranha 3D reste un film hyper tendancieux, racolant à tous vents. La présence d'actrices pornos (dont Riley Steele) dans le casting ne laisse pas de doute sur l'entreprise : on s'éclate, pousse les baffles à fond, le tout dans une orgie de boobs et de fesses que n'aurait pas renié les producteurs de Pure18. Eli Roth (Hostel) fait aussi partie de la chose, qui à mesure qu'elle avance, bute son casting, privilégie les cris à la musique et se termine en petit survival sympathique.
14 - The American (Anton Corbijn)
Le second film d'Anton Corbijn (Control) commence avec le constat effroyable que se fait un homme : s'il veut (sur)vivre, il n'y parviendra qu'en restant seul, isolé. Traqué, il se réfugie dans un village d'Italie où patiemment, il attend, s'éprend d'une prostituée, sympathise avec un prêtre... Rien de très passionnant a priori (ces situations s'imposent à lui) sauf que le personnage mis en scène par le réalisateur est suffisamment mystérieux pour qu'on s'intéresse à ses allers et venues, ses activités, son dernier "job"...
Avec sa réalisation millimétrée et parfaitement épurée (aucun effet inutilement nécessaire), le film prend doucement son temps mais n'est jamais froid et clinique dans sa façon d'aborder le quotidien d'un homme rôdé à la survie : méticulosité et sens de l'anticipation vont main dans la main vers un même destin. La réalisation sobre tend même à rendre chaleureux l'entreprise, et fait monter en puissance chaque éclair de violence ou reprise d'humanité. On s'en doutait, la véritable originalité n'est pas ici de mise et personne ne s'étonnera de retrouver un plan final similaire à celui de Control.
La tragédie comme marque de fabrique ? On attend la suite, Mr Corbijn.
♥ Coup de cœur : 15 - Easy A (Will Gluck)
"John Hughes did not direct my life". Ces paroles, prononcées à mi-parcours de Easy A par Emma Stone en pleine confession en dit long sur les intentions de base du film et à quel point le réalisateur américain a marqué les esprits dans les années 80.
Easy A, c'est - grossièrement - l'histoire d'Olive, une écolière douée qui, regrettant l'absence de romantisme dans son monde va tâcher de développer son contraire absolu : succombant à la pression de ses pairs, elle se fait passer pour la trainée de la fac, s'en amuse et assiste à son propre changement de statut dans une Amérique de campus déshumanisée (on pense notamment à Saved! de Brian Dannelly)
Depuis les belles années de John Hughes, les mœurs ont changé. On y parle ouvertement de coucher avec des garçons (et non pas avec "le" garçon), les nouvelles technologies ont envahi les relations (elles les déterminent aussi), chose à laquelle s'ajoute une confrontation bien plus directe avec ses congénères - sans oublier les adultes, bien présents cette fois-ci. Si finalement cette débauche moderne vulgarisée par de trop nombreux films se montre bien superficielle, elle sert l'instant, le moment vécu : vivre sa vie d'ado en 2010, c'est pas plus facile qu'en 1985.
Loin d'être farouche, l'héroïne est aussi sensible et intelligente, ce qui n'enlève rien à son charme. La gouaille de Emma Stone fait tout passer, les répliques sont cinglantes et malines, et le charisme de la miss dépasse le simple rôle à l'écran. On ne peut se réjouir plus de la savoir jouer Gwen Stacy dans le reboot de Spider-Man ! Le film lui réserve de très bons moments de comédie qui font aussi de Easy A la farce la plus cruelle en milieu scolaire depuis Mean Girls.
Pour une fois, même la galerie de personnages secondaires, principalement des adultes, sont intéressants. Ils vont tous à un moment ou à un autre interférer sur l'histoire, comme autant de balises sur le chemin. Thomas Haden Church est très bon en prof intègre mais ce sont les parents de Olive, interprétés par Stanley Tucci et Patricia Clarkson qui retiennent toute l'attention, présents, ouverts, hilarants et parfois aussi bien à la masse.
Bref, bonne surprise, "plaisir presque pas coupable" on dira pour s'excuser auprès des puristes. On en ressort pas l'œil mouillé ni même complètement charmé mais l'intention et les efforts sont louables, et cette reprise de Deep Purple (écho direct au Breakfast Club) en fin de film se posent comme autant de détails affirmant que la petite histoire des relations entre ados à tendance à se répéter, de décennies en décennies, avec toujours la même mélancolie.
Pourquoi pas Kick-Ass ?
Un problème à tout ça : contrairement au comics, qui bien qu'outrancier, garde une certaine ligne de conduite, le film n'hésite pas à faire basculer son personnage principal dans un grand-guignolesque de bas étage : le simple ado geek "tue des méchants" dans ses dernières séquences, de sang-froid et avec une réjouissance glaçante. Dès lors, tout lien psychologique avec lui est ici impossible et tout le cheminement narratif, jeté aux oubliettes. La séquence du jet-pack essaie de dédramatiser la chose mais le mal est fait, avec une responsabilité qui échoie sur les frêles épaules du personnage.
Reste un superbe rôle pour Nicolas Cage (diction étrange, psychologiquement instable), avec celui qu'il tient dans Bad Lieutenant.
Dans les films me restant à voir pour considérer les choses mieux, citons Enter the Void, Tamara Drewe, Robin des Bois, Esther, Rare Exports, Oncle Boonme, Mammuth, Agora, Les Chèvres du Pentagone, I Love You Philip Morris
Sinon, on a aussi eu droit à quelques gros nuls dans le tas : Salt, Le Choc des Titans, When in Rome (mon amour de Veronica Mars m'a emmené très loin, ce film ne devrait ne jamais sortir au ciné pitié, malgré quelques références à Napoleon Dynamite).
Pendant ce temps-là, on attend toujours la sortie du score de John Murphy, composé pour Sunshine !!
A bientôt pour une belle année ciné, déjà assurée par Terrence Malick et les frères Coen.
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