Pages

Ads 468x60px

mercredi 16 février 2011

Black Swan, de Darren Aronofsky: Cygnes extérieurs de richesse

Deux ans après The Wrestler, Darren Aronofsky refait surface. Loin de céder aux sirènes du blockbuster (l'hérétique remake de Robocop, bloqué depuis quelques temps maintenant), le réalisateur se replonge tout entier dans un projet pour lequel on ne lui refuse plus rien, reprenant une formule déjà éprouvée, sertie de quelques joyaux de taille... Et en suivant l'histoire d'une jeune ballerine, membre d'une éminente troupe de New-York, le réalisateur trouve un sujet en or.

 Il est étrange de voir ainsi révélée Natalie Portman, comme si on la découvrait enfin alors qu'on l'a toujours côtoyée, sur pellicule ou dans les magazines. Notre génération l’a toujours connue et estimée, de Léon en 1994 à V pour Vendetta en 2006, en passant par son rôle assez transparent de Princesse Amidala dans la nouvelle trilogie Star Wars. Car il est vrai que la jeune femme se sera rarement illustrée au cinéma, malgré une présence et un charisme indéniable. Closer était vite oublié, et My Blueberry Nights, malgré son rôle, lui donnait peu de constance face à Norah Jones et surtout Rachel Weisz. Les initiés avaient tôt fait de la retrouver aussi intrigante que séduisante dans Hotel Chevalier, le court-métrage ouvrant The Darjeeling Limited de Wes Anderson.
L’instant de bluff ultime, c’était dans Retour à Cold Mountain et ses 15 minutes de présence à l’écran où Natalie est nommée à l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle. Avec Black Swan, la belle Natalie gagne ses galons d’authentique actrice, durement gagnés. Pour un rôle qu’elle estime aujourd’hui « nocif », combien d’actrices auraient loupé le virage, celui de manœuvrer correctement un script parfois sibyllin, retors et aisément incompréhensible. Elle s’en sort avec les honneurs, ce dont on n’avait jamais douté. Il faut voir son corps meurtri, étranglé, asphyxié, tout entier dévoué à la cause de son rôle. En Nina Sayers, Natalie Portman crève l’écran.

Bien vite, Darren Aronofsky ne cache plus sa douleur : avec son ballet en crise, il va faire plonger ses personnages très loin, jusqu'à un point de non-retour particulièrement éprouvant. Sous la douceur infinie des représentations se cache un enfer de préparation, de pression morale et physique impossible à gérer sans un tempérament de fer, d’une rare combativité. Au-delà de la simple préparation physique, aussi cruelle qu’astreignante pour le corps, se dissimule une face cachée, celle de la compétition et des coups tordus, des tentations et des valeurs auxquelles tenir.

Dans cette décharge d'énergie et de non-dits mis en scène, un regret cependant : qu’en systématisant la caméra à l’épaule, pour être au plus proche de ces tranches de vies, Aronofsky sacrifie la lisibilité de chorégraphies ultra millimétrées, où l’erreur n’a aucun champ libre. Quelques rares séquences en plan fixe permettent de mesurer la beauté et l’investissement qu’il faut à ces femmes pour réussir.
Outre Natalie Portman éclate un casting de talents indéniables : Wynona Ryder, qu’on croyait jeune à jamais dans le recoin de nos souvenirs ténus, nous rappelle la dure réalité des années qui passent. Mila Kunis, récemment redécouverte sur grand écran (Forgetting Sarah Marshall, The Book of Eli – critique), joue ce qu’elle sait jouer de mieux : la tentatrice, l’idéal d’assurance et de féminité, bien consciente de ses charmes. Quant à Vincent Cassel, plus à l'aise que chez Cronenberg, il compose un rôle de chorégraphe ambiguë ajoutant au parfum trouble qui baigne le long-métrage, noyant davantage son actrice principale déjà étouffée par une mère possessive, vivant ses rêves par procuration (Barbara Hershey, de plus en plus troublante à mesure que le film avance).

Aronofsky réitère l’exploit et décrypte de manière clandestine un milieu caché, hyper exclusif, dur et envoutant : suivant sa troupe de ballet et son héroïne meurtrie, il nous offre un portrait de femme magnifique, trop dévouée à son art pour faillir, trop humaine pour réussir.
8/10

0 commentaires: