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mardi 24 juillet 2012

Mad Men - Saison 5 (AMC)

La saison 5 de Mad Men couvre la période allant de Mai 1966 à Mars 1967.
Newsweek, season 5, mad men

On a tous fait l'erreur un jour d'interrompre le visionnage de la série Mad Men, qui à cause de sa narration exigeante, requiert en permanence une attention délicate. Après plus de 18 mois de pause entre le final de la saison 4 et le début de la saison 5, durant lesquels Matthew Weiner, showrunner de la série, a failli jeter l'éponge, il est temps de se replonger dans une époque révolue, celle des années 60 américaines, déjà centrées sur la métropole de New-York.
Et déjà on sent les changements, caractéristiques de la série et de son évolution à travers le temps : Don vit à présent avec sa nouvelle femme, Megan, en ville, tandis que Pete Campbell et sa femme Trudy se sont installés en banlieue pour élever leur enfant. Le nouveau statu quo épate, et toute la saison n'aura de cesse de se précipiter vers la lumière - amplement méritée - pour se voir systématiquement rattrapée par l'ombre qui la poursuit.

L'un des shows les plus populaires de la télé américaine actuelle continue de scruter avec minutie les années fondamentales, celles des changements de mentalité prégnants aux États-Unis. On y évoque un peu vite la situation des afro-américains (laissés pour compte) et les remises en question en découlant, tandis qu'une Amérique plus sombre émerge et s'élève, où l'ombre de meurtres relayés dans la presse plane de façon persistante au-dessus des personnages (y sont évoqués certains meurtres violents symptomatiques d'une Amérique qu'on a à présent toujours connue ainsi). La série a cependant le bon goût de revenir se repaître des angoisses de chacun assez vite.
La mise en lumière principale a ainsi lieu sur le personnages, érodés par 4 ans de bons et loyaux services, à des stades différents de leurs vies : Peggy poursuit son travail seule parmi les hommes, peu à peu délaissée par son mentor, Joan a donné naissance à un garçon dont la paternité reste à déterminer, le jeune idéaliste Pete devient cynique comme ses aînés, Lane se sent de plus en plus désolidarisé du reste des partenaires, à l'image du personnage de Megan (Jessica Paré), petite secrétaire ambitieuse qui parvenait à se faire aimer de Don en fin de saison 4 : quelle place a-t-elle légitimement au sein de l'entreprise, alors qu'elle est mariée à l'un des partenaires de la boîte ? En fait, chacun à ses problèmes, relayés par le rôle des personnages dans la structure de l'agence Sterling Cooper Draper Pryce. Mad Men, première série à dresser l'angoisse de la vie de bureau dans les années 60 ?

Comme souvent, la série va se servir de ce microcosme pour poser les questions qui l'intéresse, et ouvrir des pistes sans se soucier de les résoudre en fin de parcours : aux personnages de se débrouiller, dans les relations personnelles et tourmentés qu'ils entretiennent entre eux, dans les non-dits, les sous-entendus et les hors-champs. Une expérience de vraie vie à la télé, troublante et magnétique, par son glamour, ses coups tordus, et surtout ses rêves tués dans l’œuf. 

Grosse soirée.

Dans le monde parfaitement maîtrisé de Mad Men, les coups d'éclats sont rares mais quand ils surgissent, on ne souhaite qu'une chose : qu'ils s'arrêtent le plus vite possible et sans heurts. En nous habituant à une narration posée mais exigeante (la série possède les flashbacks les plus subtils du monde), le show provoque une grande détresse psychologique à chacune montée de drama pour nous laisser le plus souvent hagard devant la violence brute, parfois physique, à laquelle s'adonnent les personnages. Le hors-champ est aussi terriblement menaçant depuis cet épisode d'une saison antérieure où Don, sous l'emprise de l'alcool et en (in)décente compagnie, provoquait un accident de voiture pour en sortir miraculeusement. Que Don Draper soit virtuellement intouchable est une donnée acquise du show, Jon Hamm rendant le personnage totalement monolithique dans son costume taillé sur mesure. Mais le changement reste notable : les quintes de toux à force de fumer, le visage rougi par l'alcool, les sautes d'humeur... autrefois séduisant businessman, le héros américain de Matthew Weiner devient de plus en plus inquiétant.

Certains épisodes sont d'une beauté entêtante, esthétiquement d'abord, puis dans la mascarade des relations de couples ou dans les valses entre partenaires. Le côté social (voire anthropologique) reste prégnant, dans le changement des mentalités tout autant que dans le questionnement permanent qui touche parfois à la pure angoisse existentialiste, de Don ne trouvant plus de juste but, aux personnages secondaires (notamment Megan), touchés par les attentes qu'on peut avoir d'eux, marqués par leurs rôles ou leurs statuts (femmes, assistantes, partenaires).
La chute, motif récurrent de la série depuis ses débuts (voir le générique), trouve une illustration parfaite dans cette saison qui brasse de fond en comble le petit folklore faussement parfait de la série pour la malmener avec une retenue qu'on devine contrôlée. Matthew Weiner disait de la série qu'elle filait vers une réconciliation impossible, et que sans vouloir nécessairement y tendre, c'était le juste chemin à prendre. Sans chercher forcément à finir fort à l'approche de la fin (Mad Men opérera son charme vénéneux pour encore deux saisons), la saison 5 est un bijou dramatique d'une cruauté parfois glaçante qui confine au sublime.

Une saison 5 exquise qui donne envie d'en voir la suite le plus tôt possible ; mais l'orientation actuelle de la série ne tend pas vers l'optimisme le plus béat...

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