"You don't have to be mad to work here, but it helps"
La série télé anglaise a encore de grandes heures devant elle. En témoigne ce cop show
discret, produit par la BBC et situé à Londres, que hante la stature de
l'acteur Idris Elba, en ce moment incontournable au cinéma et bien parti pour
durer (Guillermo del Toro lui offre le premier rôle de son Pacific Rim).
L'acteur, qui a gagné ses galons dans la série HBO de David Simon, The Wire
('Sur Ecoute'), retrouve ici le cadre codifié de la série télé, laquelle
tient pourtant à se différencier de la masse en exploitant pleinement
son acteur, hantant chaque cadre, et son environnement anglais, maussade
et froid. Soit John Luther, inspecteur de la Criminelle et fin limier,
dont la perspicacité fait des merveilles malgré un entêtement à se faire
mal voir de ses supérieurs. On découvre le personnage rencardé au terme
d'une affaire sordide dont on n'aperçoit que l'issue, jusqu'à son
retour au bercail et auprès de ses collègues (la série joue d'ailleurs
beaucoup avec ces ellipses, au risque de parfois nous semer).
Comme tout bon show policier qui se respecte, les enquêtes font le noyau des épisodes, toutes sublimées par quelques idées tordues, quelques plans parfaits. Petit à petit, ces enquêtes se font le reflet d'une humanité allant à vau-l'eau, en exploitant pourtant des thèmes déjà vus. Dès son retour, Luther se retrouve bien malgré lui plongé dans une relation ambiguë avec une tueuse présumée, une sorte de sorcière rousse manipulatrice. L'intrigue est ambitieuse et le némésis, parfait, les deux personnages ne cessant de s'ouvrir l'un à l'autre et au public, au fur et à mesure de leurs rencontres, siège de véritables joutes verbales où la logique et le bon mot ont tous les deux cours pour se tirer d'affaire - provisoirement.
La
série arrive à instaurer un rythme à la progression soutenue et parfois
haletant, en dépit d'une construction parfois trop classique qui
pourrait jouer contre sa bonne tenue : à vrai dire, cela n'empêche pas
la série d'être quasi instantanément addictif. Une réussite due en
grande partie à son acteur menaçant de déborder du cadre à chaque
instant, à l'image du personnage, cadenassé en permanence. Avec cette contrainte "physique", les réalisateurs de la série ont établi une charte de
réalisation proche de l'aspect documentaire (sans caméra à l'épaule
rédhibitoire), ramenant parfois leurs cadres au rang de témoins
inconfortables des évènements. Les plans fixes sont eux, captés souvent
de loin, légèrement décadrés et bloquant les personnages dans le coin de
l'écran, ou les fixant régulièrement en plein milieu d'axe. Une sorte
d'écrasement en ressort systématiquement, parfaitement intégrée au
récit, allant crescendo au cours de cette 1ère saison de 6 épisodes.
Si l'aspect réaliste de la série est parfois malmené par des tours un peu tordus, c'est pour nous plonger dans des abîmes de manipulation et des cul-de-sacs délicieux, qui prennent à parti pour interroger les psychologiques fouillées des personnages. Au bout du compte, Luther tire le portrait désenchanté d'une bande de flics et d'un univers urbain pris dans les rouages d'une spirale de violence sans cesse accrue, jusqu'à impliquer très directement ses personnages qui réalisent parfois trop tard que la limite a été franchie, sans espoir de retour. On ne redira jamais assez comme le cadre social de l'Angleterre fait pour la réussite de ce type de séries (Life on Mars, Red Riding, [MI-5], Spooks), bien éloignées de l'étouffante imagerie foraine des séries américaines, brûlées jusqu'à la pellicule par leurs excès en tous genres.
Une réussite miraculeuse, pas exempte de quelques défauts (dont une certaine facilité de résolution parfois), mais suffisamment honnête dans sa démarche pour prendre aux tripes et contaminer. Ça tombe bien, la saison 2 de Luther (seulement 4 épisodes cette fois-ci) a été diffusée cet été sur la BBC.
8/10
Trailer saison 1 :
Comme tout bon show policier qui se respecte, les enquêtes font le noyau des épisodes, toutes sublimées par quelques idées tordues, quelques plans parfaits. Petit à petit, ces enquêtes se font le reflet d'une humanité allant à vau-l'eau, en exploitant pourtant des thèmes déjà vus. Dès son retour, Luther se retrouve bien malgré lui plongé dans une relation ambiguë avec une tueuse présumée, une sorte de sorcière rousse manipulatrice. L'intrigue est ambitieuse et le némésis, parfait, les deux personnages ne cessant de s'ouvrir l'un à l'autre et au public, au fur et à mesure de leurs rencontres, siège de véritables joutes verbales où la logique et le bon mot ont tous les deux cours pour se tirer d'affaire - provisoirement.
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Alice Morgan (Ruth Wilson), adversaire redoutable |
Si l'aspect réaliste de la série est parfois malmené par des tours un peu tordus, c'est pour nous plonger dans des abîmes de manipulation et des cul-de-sacs délicieux, qui prennent à parti pour interroger les psychologiques fouillées des personnages. Au bout du compte, Luther tire le portrait désenchanté d'une bande de flics et d'un univers urbain pris dans les rouages d'une spirale de violence sans cesse accrue, jusqu'à impliquer très directement ses personnages qui réalisent parfois trop tard que la limite a été franchie, sans espoir de retour. On ne redira jamais assez comme le cadre social de l'Angleterre fait pour la réussite de ce type de séries (Life on Mars, Red Riding, [MI-5], Spooks), bien éloignées de l'étouffante imagerie foraine des séries américaines, brûlées jusqu'à la pellicule par leurs excès en tous genres.
Une réussite miraculeuse, pas exempte de quelques défauts (dont une certaine facilité de résolution parfois), mais suffisamment honnête dans sa démarche pour prendre aux tripes et contaminer. Ça tombe bien, la saison 2 de Luther (seulement 4 épisodes cette fois-ci) a été diffusée cet été sur la BBC.
8/10
Trailer saison 1 :
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