ou "La réjouissance des inconscients"
Le comic-book est un médium ingrat. Les auteurs attribués à une série ont la lourde responsabilité de produire un travail de qualité tout en obéissant à des règles éditoriales à prendre au pied de la lettre, décidées par des éditeurs à l'ambition purement mercantile, négligeant le patrimoine dont il sont responsables.
Kick-Ass est l'une de ses exceptions, précisément car ses responsables ont les mains libres : la "marque" n'appartient qu'à ses créateurs, le scénariste Mark Millar et le dessinateur John Romita Jr, qui produisent leur comics en indépendant et mènent leur barque comme ils l'entendent. Le coup de poker qu'a été la publication de la série depuis ses débuts en 2008 a permis d'éveiller les artistes maltraités par le système régi par les deux grands (Marvel et DC), d'où une certaine effervescence quand la première saison de Kick-Ass s'est achevée en 2010 en même temps que son adaptation sortait au cinéma. 3 ans plus tard, Mark Millar a achevé Kick-Ass volume 2 sur une ouverture béante pavant la voie à un volume 3 actuellement en cours de publication. Dans leur grande clémence, Hollywood et les multiplexes proposent aujourd'hui en parallèle Kick-Ass 2, le film.
Et malgré son statut de suite, Kick-Ass 2 semble apporter un peu de nouveauté au paysage dévasté par les projets très premier degré se succédant les uns après les autres, alors que les super-héros risquent de faire partie du paysage cinématographique pendant encore un moment : Ben Affleck vient de signer pour jouer Batman dans Man of Steel 2 (gnn), tandis que la Marvel a posé des dates de sorties jusqu'en 2020.
Big Daddy veille du coin de l’œil sur le tandem |
Quelques temps après les évènements du premier film, l'apparition de Kick-Ass a créée des émules et des citoyens masqués patrouillent désormais les rues. Dans l'ombre, Red Mist complote pour venger la mort de son père (incarné par Mark Strong dans le précédent film). Rayon originalité, le scénario est d'emblée vraiment faible et l'on peut légitimement s'interroger de ses retrouvailles, quand on sait que le comic-book précipite depuis maintenant presque 20 numéros ses personnages dans des abimes d'effusions rougeâtres : le comics est parfois très discutable dans son envie de provoquer en permanence par une surenchère de violence. Vendu comme un tabloïd à coups d'accroches racoleuses, Kick-Ass rend méfiant dès qu'on en tourne les pages et le film prend cette même orientation.
Dès ses retrouvailles avec ses personnages, Kick-Ass 2 ne fait pas dans la demie-mesure et joue totalement de cet esprit décomplexé, s'amusant de sa violence sans toutefois savoir comment la mesurer dès qu'elle frappe sa narration et ses enjeux, rendant totalement branlant l'ensemble qui ne sait pas sur quel pied danser : traiter sérieusement les répercussions d'abrutis déguisés en super-héros (qui se trouve être l'un des sous-thèmes permanent de Batman : n'a-t-il pas attiré par sa seule présence tous les cinglés possibles ?) ou se réjouir des effusions de violence qu'ils provoquent ?
Dès ses retrouvailles avec ses personnages, Kick-Ass 2 ne fait pas dans la demie-mesure et joue totalement de cet esprit décomplexé, s'amusant de sa violence sans toutefois savoir comment la mesurer dès qu'elle frappe sa narration et ses enjeux, rendant totalement branlant l'ensemble qui ne sait pas sur quel pied danser : traiter sérieusement les répercussions d'abrutis déguisés en super-héros (qui se trouve être l'un des sous-thèmes permanent de Batman : n'a-t-il pas attiré par sa seule présence tous les cinglés possibles ?) ou se réjouir des effusions de violence qu'ils provoquent ?
Et ce qui aurait pu tout à fait être un grossier plaisir coupable pêche cependant par des scènes de combat montées encore plus cut que le Pain & Gain de Michael Bay dans son ensemble. Il fallait oser et le résultat est bien là : à part une séquence ludique en van sur l'autoroute avec Hit-Girl qui occupe tout l'espace (l'une des uniques séquences bluffantes du film), pas grand-chose à sauver des affrontements entre wannabe héros et vilains. Le réalisateur ne s'inquiète jamais de sa réalisation dès que ses héros sont en mouvement, alors que les espaces clos dans lesquels ils se débattent la majorité du temps auraient mérité une vraie démarche de mise en scène, plutôt que de secouer la caméra en espérant que cela rende dynamique l'ensemble.
La violence graphique habilement désamorcée chez, par exemple, un Tarantino dans Django Unchained, n'a pas ici le même instigateur et le résultat interloque plus qu'il ne choque puisqu'il ne sert pas grand-chose : quand bien même Dave essaie d'avoir un impact positif sur son environnement et que Jim Carrey nous rappelle de surveiller notre langage, l'effarante violence à laquelle ont recours tous les personnages est assez symptomatique d'un traitement par l'excès qui cherche à aller toujours plus loin, gratuitement. Quand bien même certaines pistes semblent obliquer vers un traitement plus sérieux et au dérapage glauque assumé, le scénario ne suit pas et préfère s'affranchir de son cadre pourtant bien réel pour virer à la déconnade (à ce titre, la scène finale fait presque peine à voir devant le manque d'investissement fourni).
Et même si les geysers de sang sont bien là, dans une tentative ubuesque d'aller toujours plus loin (mais jamais aussi loin que le comics), le traitement par-dessus la jambe réservé aux personnages empêche tout attachement émotionnel, l'exception étant le cheminement personnel de Mindy/Hit-Girl (on y revient plus bas).
La violence graphique habilement désamorcée chez, par exemple, un Tarantino dans Django Unchained, n'a pas ici le même instigateur et le résultat interloque plus qu'il ne choque puisqu'il ne sert pas grand-chose : quand bien même Dave essaie d'avoir un impact positif sur son environnement et que Jim Carrey nous rappelle de surveiller notre langage, l'effarante violence à laquelle ont recours tous les personnages est assez symptomatique d'un traitement par l'excès qui cherche à aller toujours plus loin, gratuitement. Quand bien même certaines pistes semblent obliquer vers un traitement plus sérieux et au dérapage glauque assumé, le scénario ne suit pas et préfère s'affranchir de son cadre pourtant bien réel pour virer à la déconnade (à ce titre, la scène finale fait presque peine à voir devant le manque d'investissement fourni).
Et même si les geysers de sang sont bien là, dans une tentative ubuesque d'aller toujours plus loin (mais jamais aussi loin que le comics), le traitement par-dessus la jambe réservé aux personnages empêche tout attachement émotionnel, l'exception étant le cheminement personnel de Mindy/Hit-Girl (on y revient plus bas).
Dans Kick-Ass 2, c'est carnaval tous les jours |
Il est intéressant de noter comme le premier film s'inquiétait d'enjeux crédibles et réels dans ses premières bobines (question : comment devenir un super-héros dans "la vraie vie") avant de se précipiter dans la violence grossière la plus comic-book qui soit (réponse : en s'incarnant "bigger than life"). Le trait était grossier et c'est là que Mark Millar avait d'un certain côté réussit son premier volet en questionnant son personnage de papier : Dave Lizewski, élevé aux super-héros, essayait d'incarner un idéal de justicier en restant juste et en se conformant à un certain code d'honneur. Le scénario du film, loin de se préoccuper des mêmes thématiques, faisait de Dave un tueur masqué en cours de route, au service de la gaudriole et de la pose de frimeurs en guise de plan final. Hit-Girl, totalement hors de la problématique grâce à sa relation défectueuse qu'elle entretient avec son Nicolas Cage de père, sauvait le film en partie par son parcours.
Ainsi, le gros de Kick-Ass 2 repose sur la réhabilitation de la jeune fille manipulée par son père dans le premier volet : adoptée et protégée par un collègue policier de Big Daddy, la voici plongée dans le morne quotidien de lycéenne qui ne colle pas avec son caractère. Voici la partie la plus réjouissante du film : les dangers de la vie au lycée, les tiraillements intérieurs, la trame empruntée à Mean Girl et les attaques mesquines en résultant… comme une sorte de répétition générale avant les derniers outrages pour Chloë Grace Moretz, qui sera bientôt exposée à des humiliations bien pires dans Carrie (au bal du diable) prévu pour la fin d'année.
Sans attendre grand-chose de ce remake du film de Brian De Palma où elle reprend le rôle mythique de Sissy Spacek, le Kick-Ass 2 ici présent nous livre in fine un combat bien plus intéressant auquel trop brièvement assister : Chloë Moretz contre les garçons. La petite fille a beau être plus proche du ninja que de l'adolescente, elle n'en reste pas moins sujette aux mêmes émois que les autres jeunes filles de son âge et une séquence assez drôle le rappelle très justement, en contrepoint total au personnage. Le scénario n'a malheureusement pas le temps de développer de façon satisfaisante le statut de Mindy qui essaie de se fondre dans la masse avant de reprendre les armes, la bouche pleine de vilains mots ("Game on, cocksuckers", punchline ultime du film).
Et parce qu'il est toujours plaisant d'assister à l'évolution d'un personnage et que Aaron Taylor-Johnson lui donne (bon) corps, la partie "démasquée" du film le concernant est plutôt intéressante. Pas vraiment crédible aux côtés de Keira Knightley plus tôt cette année dans Anna Karenina, il campe par contre un parfait Kick-Ass. Geek, maladroit et déboussolé, souvent complètement à la masse, il est idéal dans le rôle-titre. Il est cependant extrêmement dommage que la relation avec sa petite amie Katie (Lyndsy Fonseca de How I Met Your Mother) soit aussi négligée, alors qu'elle était un enjeu majeur du premier film.
Au rayon des surprises faisant beaucoup pour la sympathie qu'on peut néanmoins éprouver pour le film, le trop souvent absent John Leguizamo est excellent en homme de main/majordome (avec une petite référence adressée à Batman au passage), Jim Carrey est aussi méconnaissable qu'instable (curieux aussi, que le rôle soit autant à la limite du caméo) et il est aussi assez marrant de revoir Donald Faison, qu'on avait pas revu depuis l'arrêt de la série Scrubs, sitcom à l'impeccable timing de comédie dans ses première saisons.
Ainsi, le gros de Kick-Ass 2 repose sur la réhabilitation de la jeune fille manipulée par son père dans le premier volet : adoptée et protégée par un collègue policier de Big Daddy, la voici plongée dans le morne quotidien de lycéenne qui ne colle pas avec son caractère. Voici la partie la plus réjouissante du film : les dangers de la vie au lycée, les tiraillements intérieurs, la trame empruntée à Mean Girl et les attaques mesquines en résultant… comme une sorte de répétition générale avant les derniers outrages pour Chloë Grace Moretz, qui sera bientôt exposée à des humiliations bien pires dans Carrie (au bal du diable) prévu pour la fin d'année.
Sans attendre grand-chose de ce remake du film de Brian De Palma où elle reprend le rôle mythique de Sissy Spacek, le Kick-Ass 2 ici présent nous livre in fine un combat bien plus intéressant auquel trop brièvement assister : Chloë Moretz contre les garçons. La petite fille a beau être plus proche du ninja que de l'adolescente, elle n'en reste pas moins sujette aux mêmes émois que les autres jeunes filles de son âge et une séquence assez drôle le rappelle très justement, en contrepoint total au personnage. Le scénario n'a malheureusement pas le temps de développer de façon satisfaisante le statut de Mindy qui essaie de se fondre dans la masse avant de reprendre les armes, la bouche pleine de vilains mots ("Game on, cocksuckers", punchline ultime du film).
Et parce qu'il est toujours plaisant d'assister à l'évolution d'un personnage et que Aaron Taylor-Johnson lui donne (bon) corps, la partie "démasquée" du film le concernant est plutôt intéressante. Pas vraiment crédible aux côtés de Keira Knightley plus tôt cette année dans Anna Karenina, il campe par contre un parfait Kick-Ass. Geek, maladroit et déboussolé, souvent complètement à la masse, il est idéal dans le rôle-titre. Il est cependant extrêmement dommage que la relation avec sa petite amie Katie (Lyndsy Fonseca de How I Met Your Mother) soit aussi négligée, alors qu'elle était un enjeu majeur du premier film.
Au rayon des surprises faisant beaucoup pour la sympathie qu'on peut néanmoins éprouver pour le film, le trop souvent absent John Leguizamo est excellent en homme de main/majordome (avec une petite référence adressée à Batman au passage), Jim Carrey est aussi méconnaissable qu'instable (curieux aussi, que le rôle soit autant à la limite du caméo) et il est aussi assez marrant de revoir Donald Faison, qu'on avait pas revu depuis l'arrêt de la série Scrubs, sitcom à l'impeccable timing de comédie dans ses première saisons.
Kick-Ass volume 3, premier numéro |
Quant à Jeff Wadlow, il pourrait être récupéré par Marvel (comme James Gunn en son temps après le très déviant Super avec Ellen Paige) pour réaliser une future mouture de X-Force, équipe souterraine appointée par Wolverine pour des missions furtives et musclées (et à ce jour, l'un des meilleurs comics mainstream actuellement produit).
Bref, pour revenir à nos moutons, Kick-Ass 2, c'est aussi inoffensif que ça essaie d'être controversé, passez votre chemin si vous ne pouvez pas vous encombrer d'un film qui essaie d'être malin sans réellement y parvenir (le méta-commentaire est évité de peu, mais ça aurait paradoxalement enrichi tout ce cirque). Pour ceux familiers des rites du teen-movie, les progressions parallèles des identités à la ville de Kick-Ass et Hit-Girl fait pour beaucoup dans l'attachement qu'on peut ressentir pour ces personnages presque aussi unidimensionnels que leurs alter-egos de papier.
Trailer (le premier et pire, mais celui qui spoile le moins) :
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La critique de Kick-Ass (2010) et discussion autour des liens étroits entre le comic-book et son adaptation.
La critique de Kick-Ass (2010) et discussion autour des liens étroits entre le comic-book et son adaptation.
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