Seconde année ciné complète en Australie (de janvier à décembre), dépendante donc des sorties locales. On se retrouve avec quelques répétitions et décalages inhérents aux sorties européennes et américaines (beaucoup de sorties propres à l'Europe n'ont pas eu lieu ici). Il y a je l'avoue beaucoup de manquements mais on tâchera d'amender si il le faut. Cette liste est garantie sans Star Wars, ni Jurassic World.
13. 007 Spectre, de Sam Mendes
Enième film consacré à l'increvable agent secret, Spectre marque aussi le retour de Sam Mendes à cet univers ultra-codé après Skyfall (2012) qu'on juge ici correct mais pas parfait : la faute à une volonté d'en revenir à des origines pas nécessaires quand la série cherche encore une orientation satisfaisante. De façon presque inattendue, Spectre se permet ainsi de souffler un peu plus, de jouer plus volontairement avec le folklore d'un personnage présent au cinéma depuis maintenant plus de 50 ans. Spectre est un film élégant s'ouvrant sur un plan-séquence à Mexico pendant la traditionnelle Fête des morts, ouvrant les vannes à une nouvelle intrigue reliant les points marquants du passé depuis Casino Royale. De là, le film part dans un festival complotiste réjouissant, au rythme enlevé et indéniablement fun, où Mendes épouse aussitôt les hommage et les clichés propres à la série.
Le film se montre remarquablement en contrôle de son image et des attentes qu'on peut en avoir, jusqu'à finir par jouer totalement de ses codes jusqu'à paraître absurdes par moments, mais dans une retenue tout classique : on ne compte plus les noeuds de l'intrigue démêlés par la grâce d'un scénario accommodant, car les principaux acteurs de la licence nous en détourne consciemment l'attention: Sam Mendes s'affranchit des impératifs de la licence et se permet de faire du cinéma, Roger Deakins compose cette année encore une photographie de folie (on n'a pas voyagé ainsi dans un Bond depuis bien longtemps) et Daniel Craig est d'une classe affolante dans les costumes taillés sur mesure, l'attitude crâneuse et le maniérisme animal. Quoiqu'un peu faible en terme de scénario et d'une durée record pas indispensable, Spectre est une jolie surprise, un sursaut de qualité depuis les débuts de l'ere Daniel Craig.
12 . Ex Machina, de Alex Garland
Un beau film sur l'intelligence artificielle que n'aurait pas renié Philip K. Dick. Alex Garland (scénariste de Danny Boyle) compose sa fable cybernétique avec un triangle de personnages qui nous perd peu à peu dans les couloirs feutrés de l'édifice où se déroule ce drame en huis-clos ; à vrai dire, il est difficile de dire où mène le film, qui instaure avec succès une atmosphère opaque et s'aventure sur le terrain de la morale philosophique, à mesure que les deux seuls personnages humains (deux hommes, Oscar Isaac et Domhnall Gleeson) se remettent en question via leur rapport à la machine. On suit Alicia Vikander depuis quelques années, mais dans le rôle de Ava, une androïde à l'IA ultra-poussée, elle déstabilise et promet encore mieux pour la suite.
11. Knight of Cups, de Terrence Malick
Attention, gros morceau. "Il était une fois un jeune prince que son père, le souverain du royaume d’Orient, avait envoyé en Égypte afin qu’il y trouve une perle. Lorsque le prince arriva, le peuple lui offrit une coupe pour étancher sa soif. En buvant, le prince oublia qu’il était fils de roi, il oublia sa quête et il sombra dans un profond sommeil"… Beaucoup est ici révélé dans l'ouverture du film, ou Malick poursuit ce qu'il a entamé de façon plus méthodique depuis Tree of Life : une auscultation méthodique des sentiments humains, des tourments, de la responsabilité, du rapport entre enfants et parents (et plus particulièrement le rapport au père), dans des films-poèmes bâtis comme des cathédrales. On y suit l'errance et les égarements d'un personnage apparaissant comme perdu dans une cité du vice qu'il préside en partie (Hollywood), représenté à la fois comme vain et pensif, s'entourant d'expériences d'amour mais incapable d'aimer, au rythme de chapitres dressés autour de figures de femmes peuplant sa vie.
10. The Imitation Game, de Morten Tyldum
Un vrai beau film de cinema ratissant large et confondant de déférence à l'homme qui décoda Enigma pendant la Seconde Guerre Mondiale. The Imitation Game est l'exemple même du biopic comme il devrait être traité, en tant que genre délicat et avec lequel il convient d'être en phase avec son sujet. C'est le cas ici, avec un scénario doté de couches toujours plus délicates qui se succèdent et s'enrichissent les unes les autres. On est dans l'Histoire, le rapport de l'homme à la société l'entourant, sa place dans un microcosme qui ne l'accepte que difficilement, et les embardées qui blessent. Bonus: Keira Knightley n'est pas dégueu pour une fois.
9. Slow West, de John Maclean
Slow West est un travail d'orfèvre, le premier film de John Maclean qui fut un temps membre des groupes The Beta Band et The Aliens; de là, on comprend comme le rôle de la musique est pour lui prépondérant à l'installation d'une atmosphère, et pourquoi le score hante chaque plan du film. Fin esthète et on l'imagine, doté d'une sensibilité particulière, Maclean créée des plans d'une beauté graphique indéniable, comme celui montrant une maison jaune siégeant seule dans une vallée verte, entourée d'un chant de blés et surplombé d'un grand ciel bleu ; si il s'agit ici de son premier film, son directeur de la photographie (Robbie Ryan - Les Hauts de Hurlevent) est au top et conjure l'éclatante beauté de la nature néo-zélandaise dans un film censé se passer dans le Far West des années 1870.
Entièrement tenu du point de vue du garçon, le film se révèle être plus riche qu'on ne pouvait l'imaginer à premier abord, y compris dans sa dramatique chute, aussi symbolique que littérale et mise en scène de façon explicitement cruelle (impossible de spoiler tant les petites idées de mises en scène sont superbes et symboliques). Slow West prend véritablement son temps à raconter le poids de l'innocence sentimentale et le pas fourvoyé d'un garçon qui se sait pas vraiment ce qu'il cherche, trop aveuglé par son amour pour penser qu'il devrait agir différemment.
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8. Far from the madding crowd, de Thomas Vinterberg
Déjà adapté de nombreuses fois à l'écran, on peut se demander ce qui pousse Thomas Vinterberg à s'emparer du roman de Thomas Hardy initialement paru au XIXème siècle. Si la démarche peut paraître aujourd'hui dépassée, elle reste un geste, un témoignage (comme autant d'autres productions similaires), de ce qu'un réalisateur peut apporter à l'ouvrage : ici en reprenant la trame suivant une jeune héritière de l'Angleterre victorienne, libre et impétueuse, courtisée par trois hommes de rangs et d'origines différentes, Thomas Vinterberg réalise un beau film classique gorgé de plans superbes et capable de faire transparaître toutes les émotions (parfois contradictoires) ressenties par ces personnages.
Entièrement dévoué à la cause de ses personnages et des terribles sursauts du coeur qui les accompagne, la réalisation de Thomas Vinterberg embrasse l'enchantement de la lande anglaise, le passage des saisons et propose en permanence d'ausculter les tourments de ses protagonistes par un recours systématique au gros plan, intraitable, filmant les visages et les profils avec pudeur et recul. Chez Vinterberg, les convenances de l'époque battent leur plein, les circonvolutions du cœur sont explicitement abordées et la superbe photographie embrassant toute l'Angleterre champêtre du Dorset complète le tableau admirablement. En soi, c'est presque un miracle.
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7. It Follows, de David Robert Mitchell
It Follows commence comme un conte américain, un conte entre ados oubliés, délaissés par leurs parents, qui essaient de vivre malgré le fardeau de leur propre existence. Jay rêve d'avoir un petit ami et son souhait est exaucé lorsqu'elle rencontre Hugh. Mais après leur première relation consentie, Hugh révèle à Jay qu'il lui a transmis une malédiction, se manifestant sous la forme d'une présence suivant et traquant méthodiquement sa victime.
Nanti d'une superbe atmosphère désuète effleurant la vie secrète des adolescents, le film est un mets de choix, un film traitant d'un passage à l'âge adulte brutal, à l'air rétro mélancolique et à la langueur déjà nostalgique des temps passés, dont la score inquiétant hante chaque cadre. Ceux ayant grandi avec l'angoisse existentielle d'un Donnie Darko devraient s'y retrouver avec joie.
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6. Kingsman - The Secret Service, de Matthew Vaughan
Daniel Craig révélait en 2012 que le ton plus sombre du nouveau James Bond qu'il incarnait était une réaction directe à la série des Austin Powers ; que Mike Myers, leur instigateur, avait "ruiné James Bond", obligeant leurs producteurs à se tourner vers son cousin lointain d'alors (Jason Bourne) pour reconstruire le mythe. Et Kingsman, de se trouver un peu entre les deux. Le film est badass et poseur, ultra-cool mais aussi chargé d'un second degré salvateur qui soulage à la vue du paysage cinématographique actuel. L'équilibre est délicat, autant dans ses velléités ultra-violentes que sa mise à jour du code du super espion (pour faire simple, tout y est délicieusement excessif), mais la recette prend et le film est suffisamment surprenant sous ses dehors d'hommage assisté.
En février dernier, lors de la sortie du film, on misait déjà beaucoup sur celui-ci malgré la pléiade d'autres films du même genre à venir (Spectre, Mission Impossible 5, The Man from UNCLE), et on avait bien raison : Kingsman est le plus fun et décomplexé du lot, un héritier certes bâtard de la tradition du film d'espions, mais aussi tellement plus rafraichissant, dingue et réjouissant.
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En février dernier, lors de la sortie du film, on misait déjà beaucoup sur celui-ci malgré la pléiade d'autres films du même genre à venir (Spectre, Mission Impossible 5, The Man from UNCLE), et on avait bien raison : Kingsman est le plus fun et décomplexé du lot, un héritier certes bâtard de la tradition du film d'espions, mais aussi tellement plus rafraichissant, dingue et réjouissant.
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5. Me and Earl and the Dying Girl, de Alfonso Gomez-Rejon
This is not a love story (en français) s'emporte un temps sur les terres du film indé d'adolescent en crise de mal-être pour s'en élever considérablement, et ce, assez rapidement : lorsque une connaissance lointaine, Rachel, se voit diagnostiquée d'une leucémie galopante, la mère de Greg pousse celui-ci à passer du temps avec la jeune fille en question pour lui remonter le moral… la suite, on nous le répète avec ténacité, "n'est pas une histoire d'amour".
Le réalisateur parvient sans mal à nous immerger dans le quotidien de Greg, jeune lycéen pas très assuré qui virevolte sans s'engager. Les premières scènes sont un modèle d'exposition qui assument ce rôle avec un humour ravageur et malin qui passe en revue les différentes facettes de la vie de Greg : son rapport au lycée et ses camarades de classe, la relation qu'il entretient avec ses parents (Connie Britton et Nick Offerman sont sensationnels), son amitié polie avec Earl et le passe-temps qu'il partage avec ce dernier : un amour irrationnel de vrai cinéphile qui les pousse tous deux à rendre hommage avec beaucoup d'humour aux films de Werner Herzog et à de nombreux autres titres de la collection Criterion (Powell et Pressburger, Kubrick, Truffaut pour n'en citer que quelques uns).
Vendu de façon erronée comme une tranche de vie aux dialogues malins et sans doute prétentieux, le film tourne inexorablement au drame d'une richesse quasi insoupçonnée. Le terrible sort réservée à Rachel résonne d'autant plus fortement en comparaison de la vie sans conséquence que mène Greg, refusant les engagements les plus basiques. Et à mesure que l'on tombe amoureux de ses personnages (c'est inévitable), se dessine les traits d'un joli film très ambitieux qui mine de rien refile ci et là quelques étonnantes leçons de vie. Malgré ses airs de dilettante, il s'agit là très probablement de l'un des films les aboutis de l'année, et une petite merveille de réalisation. Dès cet instant, il convient de garder son réalisateur en tête. Et Greg. Et Earl. Et Rachel, cette "fille mourante" qui nous a bouleversé.
4. Tomorrowland - à la poursuite de demain, de Brad Bird
Le vote du coeur, sans mentir. C'est l'histoire commune d'un jeune garçon des années 60 rêvant d'atteindre les étoiles, et celle d'une jeune fille, qui, de nos jours se prend à rêver. Sans surprises dans cette merveilleuse réminiscence des productions Amblin entertainment, les deux sont étroitement liés.
On attendait beaucoup de ce nouveau conte façonné par Brad Bird et on ne s'y est pas trompé; à l'image de sa superbe et délicate première bande-annonce, le film foisonne d'idées et de trouvailles originales, convoque de façon rentre-dedans un imaginaire qu'on aurait oublié et se prend à rêver de mieux pour l'humanité, sans cynisme, sans bien-pensance.
Brad Bird a ainsi recours plus d'une fois à un imaginaire et un sens du merveilleux supérieur a bien des blockbusters de chez Marvel. À la poursuite de demain (chouette titre français, pour une fois) est un film aussi magnifique que nécessaire, qui fait entrevoir le futur avec optimisme et espoir plutôt qu'avec le pessimisme et l'anxiété actuelle relayés de films en films. Si à la vision du film certains se fourvoient en pensant Brad Bird obsédé par l'idée de nous asséner des théories fumeuses, on imagine plus volontiers que le réalisateur se revendique des rêveurs, optimistes et plein de confiance en ce en quoi l'être humain est capable.
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3. Sicario, de Denis Villeneuve
Nouvelle impressionnante collaboration entre Denis Villeneuve et le directeur de la photographie Roger Deakins (déjà cité plus haut pour Spectre), qui choisit la terre brûlée de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique pour sa guerre des cartels. Une situation idéale permettant d'instaurer une atmosphère dure où Kate (Emily Blunt), une agent spéciale traînée dans tous les coins par sa hiérarchie, cherche en permanence l'information et traque un mystérieux baron de la drogue. En acceptant la proposition de ses supérieurs d'intégrer une équipe spécialement apprêtée pour cette mission, elle accepte aussi de pénétrer un milieu dans les ombres, régit par différentes lois. On nous surligne plusieurs fois son statut de jeune recrue prometteuse et idéaliste et Kate rappelle parfois Jessica Chastain dans Zero Dark Thirty, autre symbole de personnage entêté devant questionner son implication, la justification d'actes hors-la-loi, luttant corps et bien contre les luttes de pouvoir de commanditaires anonymes et le lent poison qui infecte les coeur des hommes.
Il y a chez Denis Villeneuve un sens du cadre, de la composition et du plan qui déjouent toute attente. Les plans sont méthodiques et jamais gratuits, et dès l'ouverture du film, le montage au cordeau et l'inclusion du score inquiétant (marqué d'un tempo répétitif) concourent à faire monter la pression de façon remarquable. Sicario est définitivement l'une des réussites techniques les plus impressionnantes de l'année et évoque parfois le savoir-faire d'un David Fincher.
2. The Lobster, de Yorgos Lanthimos
Etre célibataire quand on n'aspire qu'a une vie de couple, ca craint. Mais imaginez qu'au terme de plusieurs années de célibat, on vous assigne à résidence dans un hotel où vous devrez rencontrer, sous 45 jours, quelqu'un avec qui passer le reste de votre vie. C'est le postulat étrange du nouveau film de Yorgos Lanthimos, presenté à Cannes cette année et qui n'a cessé de faire parler de lui depuis. En bien, tant le film déploie des trésors d'imagination pour évoquer avec singularité la rupture du lien social entre des individus maternés et desespérés qui feront tout et n'importe quoi pour espérer survivre à leur situation.
En chemin, Yorgos Lanthimos en dit des tonnes sur la condition humaine aux travers de personnages désadaptés, dans un film grotesque et hilarant et au final, tout simplement brillant, qui dénote d'un humour tres particulier, parfaitement retranscris dans le rythme anxieux et parfois délicat du film. Une surprise incroyable.
En chemin, Yorgos Lanthimos en dit des tonnes sur la condition humaine aux travers de personnages désadaptés, dans un film grotesque et hilarant et au final, tout simplement brillant, qui dénote d'un humour tres particulier, parfaitement retranscris dans le rythme anxieux et parfois délicat du film. Une surprise incroyable.
1. Mad Max Fury Road, de George Miller
Le film de l'année, voire de la décennie est australien. Un film qui sera étudié dans les écoles de cinéma jusqu'à la fin du monde. Witness!
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Pas encore sorti/Pas vu: Vice-Versa, Macbeth, Everest, The Gift, Le Pont des espions, Bone Tomahawk, Arabian Nights, High Rise, The Duke of Burgundy, Phoenix, The Diary of a teenage girl, Beasts of No Nation, Queen of Earth, Room, Spotlight, Brooklyn.
Bonne année ciné !