"Your eyes hurt"
Après
son grand retour en 2007 avec Bug, c'est le nouveau film de William Friedkin qu'on consacre en ces lignes. L'un des protagonistes du Nouvel
Hollywood semble avoir tellement galéré pour monter ses projets ces
dernières années qu'on serait bien impoli de ne pas lui accorder un peu
d'attention. Et alors que des cinéastes comme John Millius, McTiernan et
consorts disparaissent peu à peu des écrans faute de l'intérêt légitime
qu'on devrait leur prêter, le réalisateur de pépites passées telles
que Police Fédérale Los Angeles et French Connection persiste à vouloir
s'imposer au grand écran, pour explorer le côté perfide d'une humanité
qui s'effrite.
Ici, on s'attache à une famille de white trash, parquée dans une réserve à caravane du Texas. Le décor est planté dès les premiers plans, refusant tout compromis. Cette unité familiale bien curieuse est au-delà de toute moralité, au-delà d'une humanité perdue depuis longtemps, dans la bière frelatée, les soirées au club de strip-tease et l'absence absolue de futur pour chacun. Mais loin de se morfondre dans un quotidien morne façon Winter's Bone, les personnages ont depuis longtemps embrassé leur médiocrité et tâchent surtout de voir quel répit le prochain mauvais coup pourrait leur apporter. Sous la caméra de Friedkin, personne n'est innocent et on le comprend très vite.
Killer Joe est l'adaptation d'une pièce de théâtre, cadre qui permet au réalisateur de rapidement mettre
en scène quelques séquences particulièrement exsangues, enfermées dans le
cloaque familial et son van de rednecks. Le film est déjà diablement
efficace quand apparaît finalement après
quelques plans détournés le fameux Killer Joe, un professionnel tout de
noir vêtu qui répond à des règles précises, qu'il respecte à la lettre.
Un personnage de cinéma fou et puissant, animé d'une logique lui étant
propre. Matthew McConaughey, un temps perdu dans des choix de carrière
douteux, continue sur la pente ascendante entamée avec La Défense Lincoln en incarnant un énergumène typiquement américain, à l'image des rôles archétypaux qu'il semble incarner dans Mud et Paperboy,
qui sortiront cette année. C'est dire s'il est inquiétant de le voir
face à la petite Dottie (un premier grand rôle dans la filmo de Juno
Temple), enfant entre deux âges et victime quotidienne d'un trauma passé
dont on ne peut qu'imaginer la source.
Peu à peu, Friedkin singularise son cadre et dynamite sa mise en scène, qu'on pourrait croire prostrée face à l'horreur qu'il convoque, dans une tentative désespérée mais réfléchie de décrire une nouvelle facette du mal. In fine, c'est la remarquable acuité avec laquelle il croque ses personnages de seconde zone, leur absence flagrante de tourments et de remords, le tout combiné dans une ambiance glauquissime, qui fait mouche. Les derniers moments du film sont un électrochoc tel qu'on n'en a pas vécu au cinéma depuis longtemps, le recours à la violence ordinaire de péquenauds ayant toujours autant de puissance.
Le nouveau Friedkin est un film véritablement sournois, qui prend à revers sans jamais user d'un suspense factice, et qui est en même temps très conscient de l'immense richesse de ses pauvres personnages. Le moins que l'on puisse espérer, c'est que ce grand réalisateur retrouve suffisamment la foi et les capitaux pour nous servir de nouveau de telles échappées perverses. Matthew McConaughey et Emile Hirsch peuvent remercier le monsieur...
En complément, l'interview accordée par William Friedkin à Chronicart lors de sa venue à Paris en septembre dernier.
Ici, on s'attache à une famille de white trash, parquée dans une réserve à caravane du Texas. Le décor est planté dès les premiers plans, refusant tout compromis. Cette unité familiale bien curieuse est au-delà de toute moralité, au-delà d'une humanité perdue depuis longtemps, dans la bière frelatée, les soirées au club de strip-tease et l'absence absolue de futur pour chacun. Mais loin de se morfondre dans un quotidien morne façon Winter's Bone, les personnages ont depuis longtemps embrassé leur médiocrité et tâchent surtout de voir quel répit le prochain mauvais coup pourrait leur apporter. Sous la caméra de Friedkin, personne n'est innocent et on le comprend très vite.
Peu à peu, Friedkin singularise son cadre et dynamite sa mise en scène, qu'on pourrait croire prostrée face à l'horreur qu'il convoque, dans une tentative désespérée mais réfléchie de décrire une nouvelle facette du mal. In fine, c'est la remarquable acuité avec laquelle il croque ses personnages de seconde zone, leur absence flagrante de tourments et de remords, le tout combiné dans une ambiance glauquissime, qui fait mouche. Les derniers moments du film sont un électrochoc tel qu'on n'en a pas vécu au cinéma depuis longtemps, le recours à la violence ordinaire de péquenauds ayant toujours autant de puissance.
Le nouveau Friedkin est un film véritablement sournois, qui prend à revers sans jamais user d'un suspense factice, et qui est en même temps très conscient de l'immense richesse de ses pauvres personnages. Le moins que l'on puisse espérer, c'est que ce grand réalisateur retrouve suffisamment la foi et les capitaux pour nous servir de nouveau de telles échappées perverses. Matthew McConaughey et Emile Hirsch peuvent remercier le monsieur...
- "HEY coucou Maman ! - T'excite pas, petit"
En complément, l'interview accordée par William Friedkin à Chronicart lors de sa venue à Paris en septembre dernier.
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