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lundi 16 avril 2012

Sortie ciné: Twixt, de Francis Ford Coppola


A priori difficile à appréhender dans la filmographie de Coppola, Twixt est le fruit d'une gestation entamée avec L'Homme sans âge et Tetro, où, libéré des attentes qu'on peut avoir de lui, Coppola se permet d'expérimenter avec toute la liberté qu'il souhaite. Twixt atteint cet absolu: c'est une fantaisie gothique, un film fantastique, le récit d'un drame personnel, une expérimentation de cinéaste. A son apparente laideur se substitue bien vite un fantastique salvateur et malaisé, où les traits du filmage en numérique encadrent les personnages et les fait évoluer au cœur d'une étrange bourgade anachronique. Hall Baltimore (Val Kilmer), écrivain de littérature fantastique, fait la tournée des hameaux pour promouvoir son dernier livre. Sous l'égide du shérif de la ville, il découvre une histoire morbide et commence à enquêter, sur le chemin d'une éventuelle rédemption. 

Dans ce troisième film depuis son retour à la réalisation en 2007, Coppola joue des codes avec l'enthousiasme d'un jeune cinéaste, sans s'inquiéter outre mesure: l'impérial Tom Waits joue au narrateur, le compositeur Osvaldo Golijov (un des nouveaux collaborateurs depuis L'Homme sans âge) invite Dan Deacon à la partition, tandis que le brouillard est omniprésent et que la 3D fait - de façon assez bouffonne - son apparition le temps de deux scènes. Le tout ne semble pas très homogène mais l'essence est bien ailleurs ; c'est dans les bois qu'apparaît V., créature diaphane cantonnée à errer sous le regard du beffroi (7 faces, toutes en décalage), s'imposant à Hall Baltimore, parti errer dans ses rêves à la recherche d'une idée et d'un salut.


Sous le couvert d'une enquête susceptible de lui apporter l'inspiration pour un nouveau livre, Hall Baltimore se retrouve face au souvenir de sa fille, tragiquement décédée. C'est dans la confusion des plans de narration qu'apparaissent ces émois passés, où Coppola transmet à Val Kilmer, double du cinéaste, le poids de la culpabilité. Le cinéaste met ainsi en scène l'accident qui a coûté la vie à son fils en 1987, recréant le trauma poursuivant le personnage de Val Kilmer. La mise en abyme est littérale, quand Hall, guidé dans la montagne de son esprit, regarde en contrebas et contemple le tragique moment recréée sous ses yeux, dans le miroir de l'eau. Renseignements pris, la tragédie ayant frappé Coppola est si minutieusement retranscrite et si parfaitement similaire à celle de Hall Baltimore qu'on ne peut y voir qu'une tentative d'exorciser le souvenir dans l'onirisme. La façon aussi frontale qu'a Coppola d'évoquer l'accident est courageuse: le cinéaste fait face à ses démons. 

Dans ce chemin de croix que traversent à la fois Hall Baltimore et Coppola, Edgar Allan Poe en est le guide spirituel, poète romantique à la lanterne rouge qui se fraie un chemin dans le souvenir de chacun ; Edgar Poe lui-même déplore la mort de sa femme à un moment où tout le film bascule dans la jouissance de pouvoir disposer d'un tel personnage dans un film d'apparence mineur, aussi fantaisiste que fantastique (voir la splendide scène où Poe parle de son poème, Le Corbeau). Toute la genèse de Twixt serait apparu en rêve à Coppola, qui depuis s'est échiné à interpréter et à recréer ces correspondances entre Hall Baltimore, Edgar Poe et lui-même, où l'on regrette le temps qui passe (les horloges folles, de Rusty James à Twixt), la perte de l'être-aimé et la fin de l'innocence.

Il y a aussi le personnage de Flamingo, réminiscence de Rusty James et des Outsiders et personnage à la jeunesse éternelle (et entêtante), échoué à la lisière de la ville où le réel se retrouve englouti dans les nappes de brouillard préfigurant le fantastique de l'histoire. L'oraison funéraire présidée convoque aussi l'imaginaire de l'enfance, ne sombrant jamais dans la dérision ; ce ne semble pas être un hasard, si, on retrouve parfois un enfant qui accompagne le shérif et son adjoint: l'humour guette, vigilant, tout comme l'espoir. Jusqu'au final facétieux, ouvert à l'interprétation de chacun. Quand le générique défile avec ces plantes rouges en surimpression, véritables cadres de théâtre, on a la sensation d'avoir assisté à un spectacle intriguant, sorte de veillée mortuaire où s'exorcisent les démons de chacun.

Trailer:



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