En cette période de Hobbit et de sorties précipitées avant Noël, retour
sur l'un des films évènements de cette dernière rentrée, le nouvel
épisode d'une institution bien ancrée dans le paysage cinématographique.
Une bannière étonnamment sobre pour un éternel retour... |
Dans la foulée des films de Martin Campbell et Marc Forster, le Bond nouveau se réinvente cette fois-ci sous la caméra de Sam Mendes, réalisateur britannique de films à teneur plus classique, voire d'auteur (d'American Beauty aux Noces Rebelles)... en tous cas, loin du principe de franchise qui supervise pourtant chaque nouveau James Bond. Avec une société-mère (la MGM), au bord du gouffre à chaque nouvelle production lancée sur les rails, la mise en chantier chaotique de Skyfall (entaillé de coupes budgétaires) rend d'autant plus réjouissant le produit fini, entre mix old school parfois référentiel et volonté d'aplanir une fois pour toutes les nouvelles bases.
Bouclant la première trilogie du renouveau, avec Daniel Craig en étendard de la nouvelle masculinité, Skyfall s'en prend de façon classique (c'est-à-dire, en bousculant l'establishment) à l'un de ses gardes-fous les plus constants : soit Judi Dench, mère supérieure chapeautant la saga depuis Goldeneye en 1996. Pas de complot à l'échelle mondiale derrière tout ça, mais une histoire de vengeance plus simple qu'il n'y paraît, à la cohérence mise en faille par son instrument principal : Javier Bardem, certes excellent en méchant de cartoon improbable, est handicapé par une psychologie de comptoir pilotant tout le film, qui a pourtant le mérite de filer droit.
L'attente. |
En repensant cependant son action (et en pacifiant une mise en scène
appelée à pétarader), la licence perd les effets de montage
catastrophiques hérités du film d'action post-Jason Bourne pour
retrouver une progression considérablement plus lisible et enfin raccord
avec notre héros fait de chair et de sang. Au programme, quelques
scènes d'actions aussi courtes que violentes et sèches, toutes tendues
dans l'espace, avec la part d'improbabilité classique parfaitement
intégrée à la mythologie entourant James Bond (le plan-frime instauré
par Brosnan à l'appui).
La photographie de
Roger Deakin, collaborateur régulier de Sam Mendes et des frères Coen,
est souvent sublime quand le réalisateur choisit d'équilibrer l'exotisme
clinquant avec une base de lieux plus communs, transfigurés : jungle
urbaine asiatique diluée dans les néons, rues grisâtres de la capitale
londonienne, désert écossais brumeux. De superbes tableaux, capturés en
de longs plans.
Daniel Craig, 44 ans, ne cache pas
son âge, en raccord parfait avec le sous-texte interrogeant la nécessité
d'avoir un tel fou de guerre encore en activité autour du globe. On découvre
l'acteur et le personnage, grimés en machine vieillissante, assurant le
boulot pour l'honneur et l'Angleterre autant par sacrifice que par caprice. Au-delà de la performance poseuse, une nouvelle représentation
du syndrome du personnage perdu dans un monde nouveau, où tout se résout
de façon intangible (un thème pas vraiment nouveau), mais aussi une
invitation à la nécessité de vieillir (prendre sa retraite ?) comme le
personnage en lui-même, revenu de tout après 50 ans d'incarnations
désuètes, kitsch ou déplacées.
James saigne et sue, toujours avec classe : badass shit. |
Tout entier porté par son activité
d'agent du MI6, James Bond cavalcade sans relâche pendant toute la durée
du film, jusqu'à un troisième acte totalement inédit et presque
courageux dans son envie (déceptive à l'écran) de construire plus en
profondeur le personnage, plutôt que de l'exposer à la convention
classique du final de film d'action réclamant violence et explosions.
Dans
l'histoire du personnage, le retour aux origines est quasiment
contreproductif, James Bond étant cet être monolithique (d'autant plus
depuis Daniel Craig) recréant toujours les mêmes formules. Même sans en
arriver à de bouleversantes révélations, l'approche hors de la
convention initiale - qu'on pourrait attribuer uniquement à son réalisateur si les scénaristes originels n'était pas présents - oscille entre hommage et nouveau départ, et
permet a posteriori d'enrichir le James Bond des années 2010, toujours
dans la lignée du reboot amorcé par Casino Royale.
Dans
la déconstruction des vestiges du passé, Skyfall enraye
parfois le mythe, hésitant entre lui apporter sa propre voie ou y faire
référence en permanence. Au bout de 50 ans, le personnage prend
toutefois avec cet épisode bien agencé un bain de jouvence réussi, et c'est déjà
beaucoup.
Trailer :
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