La malédiction des têtes qui flottent. |
Quand a été annoncé le projet de développer Thor au cinéma dans le but de préparer Avengers quelques temps plus tard, on se demandait ce que pouvait apporter la personnalité d'un réalisateur comme Kenneth Branagh, grand amateur de Shakespeare devant l'éternel. Le pari de Marvel faisait sens mais le résultat, plus que décevant en tant que stand-alone, faillit provoquer un désintérêt poli pour la licence. Pourtant, on situe aisément le personnage de Thor dans le paysage ciné actuel, on en comprend les tenants et aboutissants et il fonctionne parfaitement dans Avengers ; comme une antiquité surpuissante et égarée, à la manière de Captain America. Pour Thor 2 - The Dark World, Marvel débauche Alan Taylor, réalisateur de séries TV omniprésent depuis le boom de la fin des années 90, avec une carrière embrassant Oz, Homicide, Les Sopranos et de plus récentes productions câblées parmi lesquelles Mad Men, Rubicon et la grosse série médiévale du moment, Game of Thrones. Bref, l'homme qu'il fallait pour remettre un dieu nordique en forme dans une aventure digne de ce nom ?
Dans l'ensemble, tout le monde a bien compris comment exploiter la juste mécanique de ces personnages, dont les plus importants ont été depuis développés dans Avengers : Thor est tiraillé entre son devoir et ses affaires de cœur, tout le monde attend de Loki qu'il vole la vedette à son frère et Anthony Hopkins joue le même rôle depuis 10 ans. Tout au plus peut-on se plaindre du manque de développement du possible triangle amoureux entre Thor, Jane et Dame Sif, figure de guerrière parfaitement mise en chair par Jamie Alexander, une des seules actrices à réussir à se distinguer du tout-venant de chez Marvel. Les regards qu'elle lance à la dérobée à Jane Foster en disent long mais ici, on n'est pas chez Joss Whedon donc on se contentera de non-dits, ce qui s'avère être tout aussi efficace.
Natalie Portman, indeed, se voit une fois de plus confier le rôle de demoiselle en détresse, mais vu qu'elle représente un idéal de petite copine depuis notre adolescence qui semble ici perdurer, on reste magnanime. Déjà présente dans le premier film (et irrésistiblement vulgaire dans la série 2 Broke Girls), Kat Dennings fonctionne très bien en ressort comique une fois qu'on accepte la gaudriole absolue dans laquelle se jette le film.
Natalie Portman, indeed, se voit une fois de plus confier le rôle de demoiselle en détresse, mais vu qu'elle représente un idéal de petite copine depuis notre adolescence qui semble ici perdurer, on reste magnanime. Déjà présente dans le premier film (et irrésistiblement vulgaire dans la série 2 Broke Girls), Kat Dennings fonctionne très bien en ressort comique une fois qu'on accepte la gaudriole absolue dans laquelle se jette le film.
Retrouvailles aux containers sur le parking |
Car celui-ci n'hésite pas à se soulager d'effets comiques à un rythme entêtant, et plus particulièrement dans son final qui oscille entre vrais plans géniaux parmi différents environnements et humour de situation de plus en plus osé (dont un exemple, parfaitement débile, reposant sur l'exclamation des prénoms des personnages en pleine scène d'action !) ; c'est à se demander ce qu'il s'est passé pendant le tournage pour que personne ne réagisse devant cet étrange mélange qui malgré tout garde une vraie dynamique, une envie de divertir et d'offrir de belles séquences dans un univers assez étrange, peuplé de dieux et de monstres. Le ton plus sec et nerveux est bien là, mais reste singulièrement gentillet, à la manière d'un blockbuster tout lisse de chez Disney donc !
Si on se réjouissait du production design terriblement authentique de Game of Thrones et de ses potentielles prolongations ici-même, celui de Thor est désespérément aseptisé dans des scènes qui auraient davantage gagnées en atmosphère à être bien traitées - avec l'exception notable d'une séquence de rassemblement à Asgard sans dialogues particulièrement bien montée, juste et efficace. Encore une fois, c'est un chaste souhait que de vouloir pour Thor un "beau" film vu comme Alan Taylor semble vouloir un temps y prétendre avant de se laisser aller dans un registre plus proche du très fragile Iron Man 3, qui évitait de peu le crash en embrassant tout entier sa thématique de grosse série B de luxe, intrigues à tiroirs et révélations anti-spectaculaires inclues. Stellan Skarsgård part d'ailleurs sur les traces de Ben Kingsley dans le film sus-mentionné et semble passer un bon moment : tant mieux pour lui ?
Si on se réjouissait du production design terriblement authentique de Game of Thrones et de ses potentielles prolongations ici-même, celui de Thor est désespérément aseptisé dans des scènes qui auraient davantage gagnées en atmosphère à être bien traitées - avec l'exception notable d'une séquence de rassemblement à Asgard sans dialogues particulièrement bien montée, juste et efficace. Encore une fois, c'est un chaste souhait que de vouloir pour Thor un "beau" film vu comme Alan Taylor semble vouloir un temps y prétendre avant de se laisser aller dans un registre plus proche du très fragile Iron Man 3, qui évitait de peu le crash en embrassant tout entier sa thématique de grosse série B de luxe, intrigues à tiroirs et révélations anti-spectaculaires inclues. Stellan Skarsgård part d'ailleurs sur les traces de Ben Kingsley dans le film sus-mentionné et semble passer un bon moment : tant mieux pour lui ?
Stellan et Kat Dennings en roue libre + un stagiaire parce que vraiment, on a pas encore assez de personnages à gérer chez Marvel |
En choisissant de ne pas travailler inutilement un premier degré très sérieux (marque de fabrique du concurrent Warner/DC Comics), les scénaristes naviguent pourtant adroitement avec toute la mythologie du personnage, grâce en partie on l'imagine à la participation du scénariste de comics Chris Yost, un gars qui connaît le média et qui est parvenu à lui redonner un certain souffle, notamment du côté des X-Men. On nous détaille avec précision les rouages des mondes dépendant de Yggdrasil (l'arbre-monde) et du nouveau Bifröst (le pont reliant la Terre et Asgard), la place et le rôle de certains personnages secondaires comme Frigga (René Russo, ça faisait longtemps) et Heimdall (Idris Elba), plus le fait que le vilain soit un ennemi héréditaire de la couronne qui ressasse bon nombre d'histoires passées. Tout au plus peut-on s'interroger au sujet du visuel asgardien qui paraît avoir le cul entre deux chaises, ne sachant pas à quoi se rattacher entre concepts de mythologie moyenâgeuse et pure cité de science-fiction utopiste courant - dans les grandes largeurs - sur les terres de Star Wars.
Dans cette crise d'identité, le scénario-gruyère est peu inquiété tant les ambitions de chacun se perdent à mesure qu'avance le film qui exploite des intrigues dans tous les sens, fait régulièrement le voyage entre Asgard et la Terre, et se fend pourtant de séquences spectaculaires parfois impressionnantes dès que Thor manie Mjolnir (et c'est bien ça qu'on voulait voir !). Les séquences éclairs abondent et le ton du film est régulièrement malmené, tant il construit puis déconstruit pour le plaisir, se joue de sa suspension d'incrédulité lors d'un caméo marrant et se moque de l'implication du spectateur en abusant du twist fallacieux. Curieusement, cette volonté de ne pas se prendre au sérieux et d'être aussi ludique joue totalement en sa faveur, et alors que le réalisateur est incapable de construire un grand film malgré le matériel à disposition, il s'en sort honorablement dans tous les autres domaines.
Dans cette crise d'identité, le scénario-gruyère est peu inquiété tant les ambitions de chacun se perdent à mesure qu'avance le film qui exploite des intrigues dans tous les sens, fait régulièrement le voyage entre Asgard et la Terre, et se fend pourtant de séquences spectaculaires parfois impressionnantes dès que Thor manie Mjolnir (et c'est bien ça qu'on voulait voir !). Les séquences éclairs abondent et le ton du film est régulièrement malmené, tant il construit puis déconstruit pour le plaisir, se joue de sa suspension d'incrédulité lors d'un caméo marrant et se moque de l'implication du spectateur en abusant du twist fallacieux. Curieusement, cette volonté de ne pas se prendre au sérieux et d'être aussi ludique joue totalement en sa faveur, et alors que le réalisateur est incapable de construire un grand film malgré le matériel à disposition, il s'en sort honorablement dans tous les autres domaines.
Soirée Doctor Who au donjon ce soir |
*Légers spoilers sur les traditionnelles scènes post-générique*
Bref, Marvel et toute l'équipe se marrent bien tout en se contrefichant totalement de leur récit (tout le monde se moque bien du pauvre Malekith), mais semblent tout de même vouloir boucler in extremis les enjeux en cours : après une résolution typique d'un blockbuster, le film se termine non seulement sur un cliffhanger qui peut très légitimement annoncer Thor 3, mais sur aussi deux scènes post-génériques thématiquement intéressantes, dont la première est complètement lol : avec l'esthétique digne d'un épisode fauché de Dr Who et une candeur toute désinvolte, le réalisateur James Gunn nous introduit sans fioritures à l'un des personnages marquants de son prochain film, un étrange individu à la Mugatu du film Zoolander. Guardians of the Galaxy sortira l'année prochaine et est évidemment intrinsèquement lié au destin de la planète Marvel : si le film entier est du niveau de ce petit segment, on risque de bien rigoler.
Le second épilogue est plus classique mais offre un répit romantique à nos héros, notamment après une fin montrant Jane une nouvelle fois abandonnée à son quotidien ; si on comprend que Marvel n'ait pas raccordé correctement les wagons de sa propre continuité par le passé (Jane était abandonnée à la fin du premier Thor puis excusée d'Avengers - seul Stellan Skarsgård en tant que second rôle est présent physiquement dans les deux films), le scénario a la bonté de trancher une bonne fois pour toute en gardant un peu de romantisme désinvolte et naturel dans cette histoire nunuche de dieu nordique entiché d'une humaine irrésistible. Les beaux joueurs familiers du dispositif, restés jusqu'à la fin de la séance, l'en remercient.
Bref, Marvel et toute l'équipe se marrent bien tout en se contrefichant totalement de leur récit (tout le monde se moque bien du pauvre Malekith), mais semblent tout de même vouloir boucler in extremis les enjeux en cours : après une résolution typique d'un blockbuster, le film se termine non seulement sur un cliffhanger qui peut très légitimement annoncer Thor 3, mais sur aussi deux scènes post-génériques thématiquement intéressantes, dont la première est complètement lol : avec l'esthétique digne d'un épisode fauché de Dr Who et une candeur toute désinvolte, le réalisateur James Gunn nous introduit sans fioritures à l'un des personnages marquants de son prochain film, un étrange individu à la Mugatu du film Zoolander. Guardians of the Galaxy sortira l'année prochaine et est évidemment intrinsèquement lié au destin de la planète Marvel : si le film entier est du niveau de ce petit segment, on risque de bien rigoler.
Le second épilogue est plus classique mais offre un répit romantique à nos héros, notamment après une fin montrant Jane une nouvelle fois abandonnée à son quotidien ; si on comprend que Marvel n'ait pas raccordé correctement les wagons de sa propre continuité par le passé (Jane était abandonnée à la fin du premier Thor puis excusée d'Avengers - seul Stellan Skarsgård en tant que second rôle est présent physiquement dans les deux films), le scénario a la bonté de trancher une bonne fois pour toute en gardant un peu de romantisme désinvolte et naturel dans cette histoire nunuche de dieu nordique entiché d'une humaine irrésistible. Les beaux joueurs familiers du dispositif, restés jusqu'à la fin de la séance, l'en remercient.
+
- L'avis sur Iron Man 3 de Shane Black (2013)
- La critique de Avengers de Joss Whedon (2012)
- Un point sur la première scène bonus et les potentielles pistes soulevées pour le futur (en anglais)
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