"COME FIND ME WHEN YOU WAKE UP"
Curieux film que la dernière production Tom Cruise, au concept répétitif pourtant ancré dans un cadre original, dominé par une utilisation du tout-numérique qui fusionne avec ses acteurs. À la base pourtant, c'est un film qui tire toute son essence et son inventivité de son scénario. Filant un temps sur des pistes inédites et regorgeant d'informations originales (situation d'un monde nouveau et Tom Cruise, dont le personnage est malmené pendant un temps), le film se jette à corps perdu dans un twist belligérant et totalement ludique, où, coincé dans une boucle temporelle, l'acteur meurt et redémarre la même journée encore et encore. Un jour sans fin de Harold Ramis et plus proche de nous, Source Code de Duncan Jones sont clairement les modèles que cite le film, pourtant adapté d'un roman japonais intitulé "All you need is kill", premier titre de travail que portait le projet.
De quoi s'agit-il ? Clairement, d'un fantasme geek assez généreux dont on peut pour une fois s'attarder sur les caractéristiques : "suits" (combinaisons inspirées des méchas japonais, comme dans Elysium), escouade de têtes brûlées, Emily Blunt en Valkyrie, grosses pétoires (voire, épée) et un remix assumé du Débarquement en Normandie à la sauce alien. Bref, ça pétarade en tous sens avec une grosse influence de Gears of War en sourdine, le jeu vidéo s'imposant comme média dont le cinéma essaie de s'inspirer ("Live. Die. Repeat" scande la bande promo).
Les premiers deux-tiers du film font la part belle à des séquences à la noirceur troublante, mêlées à un sens de l'humour typiquement américain cherchant à dédramatiser les choses (curieuse synthèse). Le scénario commente l'expérience que propose les jeux vidéos et leur concept de "Die & retry", où chaque mort est une punition qui oblige le joueur à reprendre sa progression à un point antérieur et à utiliser l'expérience engrangée à bon escient, pour cette fois surpasser l'obstacle rencontré précédemment. On en parlait dans notre chronique de The Last of Us, quand Joel (le joueur) perdait Ellie alors qu'il tâchait de l'acheminer à bon port. Ici, c'est la même chose pour Tom Cruise condamné à mourir et recommencer, dans un déluge slapstick dont on nous épargne les choquantes images (curieux, mais encore une fois très américain, pour un film qui parle de la mort au combat). Cet éternel retour trouve une potentielle issue lorsque le personnage rencontre Rita (Emily Blunt) et "apprend", à la dure, les coups d'avance qu'il faut maîtriser pour une progression tantôt ludique tantôt tragique, rendant le personnage plein d'espoir, puis las, jusqu'à atteindre le renoncement : comme un joueur prisonnier d'un jeu dont il ne peut atteindre le prochain niveau.
Parmi ces personnages, Rita, icône de cette guerre perdue d'avance et nouveau rôle de dure-à-cuire pour Emily Blunt, qui n'a de cesse d'impressionner à chaque apparition. Que Marvel l'ait totalement écarté de leur univers (elle devait jouer la Veuve Noire du temps de Iron Man 2, rôle finalement échu à Scarlet Johansson) est d'ailleurs symptomatique de l'incapacité de la firme à prendre des risques. Et c'est totalement à la décharge de McQuarrie & Co. que le scénario de Edge of Tomorrow lui réserve un rôle crédible, quand le cadre guerrier du film pouvait se contenter d'en faire une caricature de femme forte, malgré quelques moments chaleurs voulus par Doug Liman. Il est aussi salutaire de constater comme Liman s'évertue autant à essayer de faire exister ses personnages secondaires (des soldats principalement), à la façon d'un James Cameron dans Aliens, alors que le rythme du film ne lui en laisse pas la possibilité. Pour une fois, les superviseurs du film semble s'inquiéter du montage et de l'équilibre fragile du film, entre jeu vidéo et remake du Jour J, qui tâche d'apporter suffisamment d'instants étranges nés de son récit paradoxal. La perfection programmée du jeu de Tom Cruise trouve ici une certaine résonance dans son désarroi, comme s'il cherchait à s'extirper de son image de star un peu monstrueuse. Le scénario et son rythme arrive parfois à le rendre émouvant sans forcer, dans le cadre millimétré d'un blockbuster dont on sait qu'il contrôle l'image.
Doug Liman, dont on n'attendait pas grand-chose, signe au passage son meilleur film depuis La Mémoire dans la peau, à ceci près que le dernier acte de Edge of Tomorrow est complètement raté et semble hésiter sur la direction à prendre, avant de revenir sur ses pas, pour livrer un épilogue hollywoodien bien pensant dont on se serait bien passé - comme si le scénario ne savait plus quoi faire de son concept pourtant riche en pistes de réflexions. Malgré tout, Edge of Tomorrow rappelle d'un certain côté l'autre belle surprise de 2013, Pacific Rim (toutes proportions gardées) : puissant concept de science-fiction, couple à l'écran dont l'idylle est limitée, et juste équilibre entre ces deux mêmes personnages. Un spectacle différent, pas exempt de défauts mais intéressant au demeurant. Le cœur de Del Toro est, par contre, une arme bien plus redoutable que les millions de Tom Cruise.
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Tom Cruise et son rapport au blockbuster (en anglais)
Pacific Rim, de Guillermo Del Toro (2013)
Emily Blunt, déjà action-woman dans Looper (#3 de notre top 2012)
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