La première partie de saison couvre les épisodes 1 à 8.
Précédemment, on avait laissé Walter White sur ces mots :
En se libérant de l'étreinte mortelle de Gus Fring, Walter White a gagné son droit de vivre, ou en tous cas, un répit d'un moment. La saison 4 était un cap, un point de non-retour supplémentaire pour l'ancien prof de chimie devenu producteur de méthamphétamine. Walter White abandonnait définitivement son rôle de victime pour assurer ses arrières et ceux de son acolyte Jesse, jonglant entre son activité répréhensible et la reconstruction de sa famille.
La saison reprend exactement où se terminait la précédente, si l'on exclue cette ouverture dans un futur proche, où Walt, visiblement en fuite, passe en coup de vent dans un diner : dans l'immédiat, son héros s'en sort, et l'ouverture évacue chastement cette possible interrogation tant Walt a déjà frôlé la mort (menaces, violences, mais aussi maladie - le cancer en rémission semble attendre patiemment son tour). Ce pré-générique faussement anodin nous replonge délicieusement dans l'univers de la série, qui depuis 5 ans s'est faite la spécialiste des ouvertures improbables et absconses. L'air de rien, ces moments singuliers se raccordent efficacement au récit en cours de route, ou ne sont parfois que des allusions fugaces, qui nous laisse en plan par la suite… mais au jeu de piste, il faut savoir être attentif, tant les indices ou les coups du sort semblent à ce point d'avance calculés.
Cette identité originale fait entièrement partie du jeu auquel le showrunner Vince Gilligan et ses scénaristes se prêtent : au cours de ce début de saison, on retrouve la marque de fabrique du show, cette bizarrerie typique qui surgit dans des moments grotesques terribles (amorcés dans la saison 1 avec son acide et sa baignoire), lesquels nous interpellent malgré nous ; à force de réveiller à chaque instant la part d'humanité qui demeure en nous par ses personnages inadaptés, confrontés à une violence presque quotidienne, Breaking Bad se fait le reflet d'un terrible réel - et ce, davantage encore dans ses scènes de ménage vraiment oppressantes. Le bal s'ouvre avec le match Walt/Skyler, qui occupe une partie de l'attention, dans une volonté de régler une fois pour toutes les rapports de domination.
Comme on fait son lit, on se couche : Skyler, la peur au ventre. |
Réalisé par Rian Johnson (Brick, Les Frères Bloom, Looper), le superbe épisode de cette confrontation (5x04) raconte la journée des 51 ans de Walt. Épisode anniversaire à la fois pour le personnage et dans la chronologie délicate de la série, où l'on nous apprend qu'entre la première saison et celle en cours, il ne s'est écoulé qu'un an dans la vie des personnages. À la merci du temps qui file inexorablement (thématique récurrente du réalisateur), Walt fait un bilan où les rôles sont inversés : il préserve l'illusion de l'unité familiale comme le faisait auparavant Skyler, alors que celle-ci s'abandonne au désespoir de ne plus reconnaître ni son morne quotidien, ni son mari. Il reste peu de temps à Walt pour sortir de ses mensonges et de la lourde tragédie qui paraît s'annoncer.
D'anti-héros magnifique, reflet d'une Amérique dévastée économiquement et dans ses valeurs traditionnelles, Walt est devenu un authentique vilain dont l'alter-ego Heisenberg, inspire la peur dans son entourage et auprès des gens avec lesquels il travaille. Méthodique, organisé, Walt a démontré au cours de l'année passée (déjà 5 pour le showrunner Vince Gilligan) une remarquable capacité d'adaptation, jusqu'à graver les échelons d'un système hors-la-loi. Il a anticipé les dangers et les a soigneusement contournés, quitte à sacrifier des vies pour ce faire (Jane, Brock, Gale). Jesse, le comparse des débuts, le "collègue", est malgré lui et bien à ses dépens, le pion de Walt, dont ne sait pas vraiment s'il le considère comme un ami malgré les terribles moments d'ambiguïtés qui rongent la série.
En découvrant sa maladie, Walt s'est surpassé et a substitué son destin par un autre, plus glorieux, répercutant ses actions dans tout son entourage immédiat (familial, et "professionnel") : l'ascension jusqu'à quand ?
Vince Gilligan sait comment piloter sa série pour lui éviter le piège de la redondance, du rebondissement mécanique. On ne voit plus l'épisode de la semaine mais bien une tranche de vie en continue, qui éclate en morceaux et se reconstruit à chaque fois partiellement. Walt ne trouvera plus de répit et la frontière est largement franchie en milieu de saison : si jadis, on tremblait pour lui en craignant qu'il ne se fasse découvrir, les scénaristes renversent ici la dramaturgie en nous faisant espérer qu'il chute. Lorsque Vince Gilligan fait commettre à son personnage des actes discutables, il court le risque de perdre le lien d'affection et d'identification que nous entretenons avec Walt. À présent, la morale est transgressée : il ne nous reste que Jesse, Hank, Skyler, Mike et les autres personnages secondaires pour nous raccrocher au destin de ce monstre. Sublime tour de passe-passe.
Dans un souci de clôturer la série en beauté, AMC diffuse cette ultime saison en deux parties, dont nous verrons la fin durant l'été 2013. Après cet épisode 8 de mi-saison à l'ironie particulièrement cruelle, il reste encore huit autres épisodes à Walt pour changer la donne et boucler son cycle.
Longue vie au roi.
Breaking Bad : trop tard pour les salauds. |
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